Les médecins de premier recours ayant récemment été confrontés à un cas de cancer du sein ou du colon dans leur patientèle proposeraient plus systématiquement à leurs patients de se soumettre à un dépistage. C’est ce qui se dégage d’une étude américaine publiée le 15 juillet dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).
« Tandis que les dépistages du cancer colorectal et du cancer du sein sont largement recommandés, le taux de participation (…) reste sous l’objectif de santé publique », déplorent les auteurs du présent travail. Un constat qui vaut aux États-Unis mais aussi en France, où, en 2020-2021, le taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein restait sous la barre des 50 %, et atteignait à peine 35 % pour le cancer colorectal.
Pour favoriser l’adhésion des patients, les médecins de premiers recours tels que les généralistes apparaissent indispensables. « Les conseils et les adressages des médecins de premier recours jouent un rôle critique dans l’usage des dispositifs de dépistage par les patients », soulignent les auteurs. Or la décision d’inciter tel ou tel patient à se soumettre à un dépistage ne dépend pas que de critères cliniques mais aussi des « croyances (du praticien) sur le risque de cancer et (…) de facteurs situationnels ».
Les évènements indésirables marquants, vecteurs de changement
Un de ces facteurs circonstanciels qui pourrait influencer les médecins concerne l'expérience récente d'un nouveau diagnostic de cancer. En effet, « les données issues de la psychologie et de l'économie comportementale suggèrent que des événements indésirables notables peuvent influencer la prise de décision », avancent les auteurs. Ainsi, des études ont montré que face à des évènements cliniques indésirables survenant dans leur patientèle – comme des overdoses d’opioïdes, des hémorragies gastro-intestinales, des embolies pulmonaires, etc. – nombre de médecins auraient tendance à changer leurs pratiques. « Il est (donc) plausible qu'un nouveau diagnostic de cancer puisse augmenter les taux de dépistage du cancer (…) (notamment en provoquant) chez les médecins un sentiment d'urgence à recommander plus fortement le dépistage. »
Pour vérifier cette hypothèse vis-à-vis des dépistages du cancer colorectal et du cancer du sein, les auteurs se sont penchés sur des données de remboursement de soins datant de 2009 à 2015 et prescrits par plus de 3 000 généralistes, gériatres ou internistes du New Hampshire et du Maine. Soit une cohorte de médecins suivant un total de deux millions d’adultes âgés de 18 à 64 ans. « Durant la période d’étude, 898 (de ces professionnels) ont eu un patient qui a reçu un nouveau diagnostic de cancer du sein, et 370 un nouveau diagnostic de cancer colorectal », rapportent les chercheurs. Ces derniers ont alors comparé les taux de participation des patients des médecins concernés avant et après le diagnostic de cancer.
Des taux de dépistage en hausse après un diagnostic de cancer
Résultat : « cette étude a trouvé des augmentations significatives et soutenues des taux de dépistage chez les patients ayant consulté un médecin de premier recours récemment exposé à un diagnostic de cancer du sein ou colorectal », résument les auteurs.
En effet, au quatrième trimestre suivant un diagnostic de cancer colorectal, « les taux de dépistage du cancer colorectal (au sein de la patientèle des médecins concernés) étaient supérieurs de 2,1 points de pourcentage à ceux du trimestre précédant (cet évènement marquant) », soit une augmentation relative de 20,8 %.
Cette augmentation des taux de dépistage apparaît encore plus marquée dans le cancer du sein. De fait, au quatrième trimestre après un diagnostic de cancer du sein, les taux de dépistage de la maladie parmi la patientèle des médecins concernés « étaient supérieurs de 6,5 points de pourcentage à ceux du trimestre précédant (le diagnostic) », soit une augmentation relative de 17,4 % estiment les auteurs.
À noter que, concernant le dépistage du cancer du sein, cet impact dépend du sexe des médecins. « Les augmentations de taux de participation au dépistage du cancer du sein étaient plus importantes dans la patientèle des médecins hommes que des médecins femmes (3,1 points de pourcentage) ».
Un bénéfice durable ?
Le phénomène semble perdurer « au moins un an » après le diagnostic de cancer. Reste toutefois à confirmer ces résultats. Car la méthode utilisée dans le cadre de ce travail « peut introduire (quelques) imprécisions ». Les auteurs n’ont par exemple pas pu évaluer exactement dans quelle mesure les patients avaient été orientés par leur médecin vers un dépistage. « De plus, les données utilisées n'ont pas permis (...) de déterminer si les dépistages individuels étaient appropriés en fonction des facteurs de risque cliniques, ou de distinguer les tests de dépistages des tests diagnostiques », admettent les auteurs. Enfin, les mécanismes psychologiques de cette augmentation de l'incitation au dépistage restent à préciser.
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