Le nipocalimab, une alternative non invasive dans la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau né sévère et précoce

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Publié le 20/08/2024
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Usuellement traitée par transfusions intra-utérines, particulièrement invasives, la maladie hémolytique du fœtus sévère et précoce pourrait voir sa prise en charge évoluer avec le nipocalimab. Cet anticorps monoclonal semble réduire le besoin et la fréquence de transfusions et améliorer le pronostic de la grossesse.

Dans la maladie hémolytique précoce du fœtus et du nouveau-né, les solutions habituelles sont invasives

Dans la maladie hémolytique précoce du fœtus et du nouveau-né, les solutions habituelles sont invasives
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Une étude américaine, publiée dans The New England Journal of Medicine (NEJM), explore l’intérêt du nipocalimab comme thérapie préventive dans les grossesses à haut risque de maladie hémolytique du fœtus et du nourrisson (HDFN) sévère et précoce. Cette pathologie est causée par une incompatibilité antigénique (en particulier Rhésus D) entre les hématies maternelles et fœtales, ce qui entraîne une anémie hémolytique de l’enfant. La HDFN peut arriver précocement durant la grossesse, à 24 semaines, aboutissant à une morbidité et une mortalité fœtales et néonatales conséquentes.

Le soin standard dans la HDFN est la transfusion sanguine intra-utérine pour corriger l’anémie fœtale, mais le risque de complications est élevé : mort du fœtus, prématurité de la rupture de membranes et naissance prématurée. Les transfusions sont aussi associées à un risque de perte périnatale (17 % par procédure à moins de 20 semaines de grossesse). D’autres thérapies préventives existent mais sont limitées.

Dans un éditorial associé, la Dr Emeline Maisonneuve, Alice Panchaud et le Pr David Baud précisent : « L’échange de plasma et les immunoglobulines par voie intraveineuse (IVIG) sont des thérapies préventives secondaires non-spécifiques pour l’HDFN sévère et précoce. Chaque approche a ses défis pratiques et aucune n’a d’effet substantiel sur les mauvais pronostics associés à la maladie ». Les chercheurs de l’Université de Lausanne et de l’Université de Bern se réjouissent du potentiel du nipocalimab à lever ces barrières. « De plus, c’est un anticorps monoclonal qui bloque spécifiquement le récepteur d’IgG néonatal (FcRn) : son affinité y est 1 000 fois plus élevée que les IVIG », soulignent-ils.

Le nipocalimab réduit la nécessité de transfusions

L’essai clinique de phase 2 montre que le nipocalimab a permis de retarder ou prévenir l’anémie fœtale ou les transfusions intra-utérines. Les patientes éligibles présentaient un antécédent de grossesse avec HDFN sévère et précoce. Le critère de jugement principal était la naissance d’un enfant en vie à 32 semaines ou plus sans avoir recours à des transfusions. Alors qu’historiquement aucune grossesse avec HDFN sévère et précoce ne remplissait cet objectif, il a pu être atteint dans l’étude pour 54 % des grossesses (soit 7 sur 13) avec un traitement par l’anticorps monoclonal de 14 à 35 semaines. Sur ces sept naissances sans anémie fœtale, six nouveau-nés n’ont pas eu besoin de transfusions néonatales.

Le nipocalimab montre aussi une propension à retarder le besoin de transfusion (usuellement vers 20 semaines) et réduire leur fréquence. Au final, le nombre de naissances d’enfants en vie était plus élevé : 92 % chez les femmes sous nipocalimab contre 38 % en données historiques.

Des perspectives pour d’autres maladies ?

L’étude présente des limites : petit nombre de patients, pas de randomisation ni de traitement en simple ou double aveugle, pas de placebo et pas de patientes non-blanches. Dans l’éditorial, les chercheurs suisses commentent : « De plus amples données cliniques sont nécessaires pour déterminer le rôle du nipocalimab comme option de prévention secondaire dans la HDFN sévère et précoce et en identifier et minimiser les effets secondaires potentiels. » En effet, au cours de l’étude, 46 % des femmes ont présenté des événements indésirables, dont certains étaient sérieux ou sévères : infection menant à un traitement oral ou intraveineux (5), anémie fœtale (3), séparation prématurée du placenta ou retard de croissance.

Les éditorialistes estiment nécessaire de réaliser un essai de phase 3 randomisé et contrôlé ainsi que de suivre les enfants a posteriori, pour vérifier l’impact du traitement sur leur immunité. Mais la Dr Emeline Maisonneuve, Alice Panchaud, et le Pr David Baud se réjouissent du potentiel du nipocalimab, y compris « dans d’autres complications fœtales causées par le transfert transplacentaire des IgG maternels comme les allo-anticorps antiplaquettaires ou pour des maladies auto-immunes chez la mère causées par des anticorps qui traversent la barrière placentaire et causent des pathologies auto-immunes transitoires chez le nouveau-né, notamment l’hyperthyroïdie auto-immune, le lupus érythémateux systémique et le purpura thrombopénique idiopathique ».


Source : lequotidiendumedecin.fr