Infectiologie

Shigella : de nouvelles souches hautement résistantes en circulation en France

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Publié le 17/03/2023
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L’Institut Pasteur a détecté l’émergence rapide de nouvelles souches de Shigella sonnei résistantes à la quasi-totalité des antibiotiques habituels, notamment chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Crédit photo : CDC/PHANIE

De nouvelles souches de Shigella sonnei hautement résistantes aux antibiotiques (XDR, pour extensively drug-resistant) ont rapidement émergé en France, alerte l’Institut Pasteur dans un communiqué diffusé jeudi 16 mars.

Comme le rappelle l’Institut, la shigellose est une pathologie infectieuse « très contagieuse » due à des bactéries du genre Shigella, dont l’espèce majoritaire dans les pays industrialisés est Shigella sonnei. Le pathogène, qui se propage par voie oro-fécale, provoque des diarrhées le plus souvent « de courte durée (3-4 jours) cédant spontanément ». « Un traitement antibiotique devient cependant nécessaire pour les cas modérés à sévères ou pour stopper la transmission (…) dans des contextes épidémiques. »

Plus de 20 % des cas de shigellose associés à des souches XDR

Depuis une cinquantaine d’années, le Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS) surveille cette bactérie sur le plan national, à l’affût notamment de l’émergence de nouvelles résistances. Pour cela, « toutes les souches bactériennes adressées par (un) réseau de laboratoires partenaires privés ou publics, répartis sur tout le territoire » sont analysées, détaille l’Institut Pasteur.

Ces dernières années, une multiplication des souches de S. sonnei résistantes aux antibiotiques a été observée à l’échelle mondiale.

Ce constat a conduit des chercheurs du CNR-ESS à se repencher sur des données bactériologiques enregistrées en 17 ans de suivi pour mener une étude se basant « sur l'analyse de plus de 7 000 souches de S. sonnei et d'informations épidémiologiques recueillies (…) entre 2005 et 2021 », rapporte l’Institut Pasteur.

Résultat : « Nous avons détecté une augmentation spectaculaire (et extrêmement rapide) de la proportion d'isolats simultanément résistants à la ciprofloxacine (CIP), aux céphalosporines de 3e génération (3GC) et l’azithromycine (AZM) », résument les chercheurs. Alors que ces premiers clones résistants « à quasiment tous les antibiotiques recommandés pour le traitement de la shigellose » semblent avoir émergé en 2015, leur proportion a augmenté si rapidement qu’en 2021, plus de 22 % des cas d’infection à S. Sonnei étaient XDR.

Les HSH particulièrement touchés

Une analyse par séquençage génomique a permis d’identifier l’origine de ces pathogènes et leur parcours évolutif. « Toutes ces souches appartenaient à une même lignée évolutive devenue résistante à (…) la ciprofloxacine vers 2007 en Asie du Sud. Puis, ces souches ont acquis dans plusieurs régions (…) du monde, dont la France, différents plasmides codant pour la résistance à d'autres antibiotiques de première ligne (azithromycine et céphalosporines de troisième génération notamment) », détaille l’Institut Pasteur.

En outre, l’étude révèle que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) – surexposés à Shigella ainsi qu’à des traitements antibiotiques anti-IST – sont particulièrement touchés. Certes, des cas ont aussi été recensés chez des voyageurs revenant du Sud de l’Asie et dans le cadre d’une épidémie survenue en milieu scolaire en 2017, souligne l’Institut Pasteur. Toutefois, chez les HSH, 97 % des infections recensées en 2021 étaient dues à un clone XDR (présent en Europe, Amérique du Nord et Australie depuis l’année précédente).

Devant ce chiffre, l’Institut Pasteur incite à réaliser en pratique « un antibiogramme systématique en cas d’isolement d’une Shigelle » dans ce public dans le cadre des consultations pour IST. Car « pour les cas sévères, les seuls antibiotiques restant efficaces sont les carbapénèmes ou la colistine qui doivent être administrés par voie intraveineuse (…) en milieu hospitalier ».

 


Source : lequotidiendumedecin.fr