Une neuroprothèse pour retrouver le contrôle d’un membre paralysé : ce n'est pas de la fiction !

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Publié le 10/11/2016
macaque

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Crédit photo : Jakub Hałun / Wikimedia Commons

Des macaques ont pu retrouver l’usage d’un membre inférieur paralysé après une lésion de la moelle épinière. Cette prouesse a été rendue possible par l’intermédiaire d’une neuroprothèse - une interface entre le cerveau et la moelle épinière. Développé par un consortium international dirigé par l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL), ce système a été expérimenté sur les animaux en collaboration avec l’Inserm, le CNRS et l’Université de Bordeaux. Ces impressionnants résultats ont été publiés le 9 novembre dans la revue Nature. En parallèle, un essai clinique a d’ores et déjà débuté aux hôpitaux universitaires de Lausanne. Il permettra de tester à présent les effets thérapeutiques de l’interface chez des patients atteints du même type de lésions.

Mais comment ça marche ?

« C’est la première fois qu’une neuroprothèse restaure la marche chez le primate », se réjouit le Pr Grégoire Courtine, de l’EPFL qui conduit le consortium. Cette interface cerveau-machine est capable de restaurer la communication entre le système nerveux central et la région de la moelle épinière responsables des mouvements des membres inférieurs. Elle enregistre l’activité cérébrale du cortex moteur liée à l’intention de marche, la traite, puis transmet l’information au stimulateur. Celui-ci active les électrodes situées sous la lésion à la surface de la moelle épinière ce qui permet une activation contrôlée des muscles selon le souhait de l’animal. Ce système court-circuite ainsi la lésion en temps réel et sans fil. « Les deux singes ont été capables de remarcher immédiatement après la mise en fonction de la neuroprothèse. Aucun entraînement n’a été nécessaire », affirme Erwan Bézard, directeur de recherche de l’Inserm qui a supervisé les travaux sur les primates.

 

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Une neuroprothèse, un système complexe

Un implant cérébral, un système d’enregistrement, un ordinateur, un stimulateur implantable et un implant spinal : tous ces appareils composent cette interface qui reconstitue le lien entre le cerveau et les membres paralysés. En effet, l’implant cérébral, placé chirurgicalement sur le cortex moteur, n’est autre qu’une puce similaire à celles utilisées chez l’Homme pour des recherches sur les interfaces cerveau-ordinateur. Celui-ci est ensuite connecté au système d’enregistrement qui emmagasine l’activité électrique et la relaye à un ordinateur qui va l’analyser via des algorithmes adaptés pour comprendre quel mouvement le singe souhaite faire. Cette intention du primate est transformée en protocole de stimulation de la moelle épinière qui est transmis, toujours en l’absence de fil, au stimulateur spinal implantable, qui lui, après réception, va délivrer les instructions via l’implant spinal. Ce dernier appareil se compose de 16 électrodes placées de manière chirurgicale à des endroits précis sur la partie dorsale de la moelle épinière lombaire. Il va activer de façon synergique les groupes de muscles de la jambe paralysée, ce qui va provoquer les mouvements de flexion et d’extension permettant au singe de se déplacer.

À présent, le Pr Jocelyne Boch, neurochirurgienne au centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV) dirige un essai clinique qui permettra d’estimer le potentiel thérapeutique de cette technologie chez l’Homme. L’interface pourrait, ainsi, permettre à des patients souffrant de lésions incomplètes de la moelle épinière de remarcher. « Il faut toutefois conserver à l’esprit les nombreux challenges qu’il reste à relever. Même si les essais cliniques débutent, cela prendra quelques années avant que de telles approches soient disponibles pour l’Homme », conclut Erwan Bézard. 


Source : lequotidiendumedecin.fr