Depuis le début de la crise sanitaire, l'usage des écrans et les consommations d’alcool, de tabac mais aussi de substances illicites des 16-30 ans apparaissent de plus en plus à risque. C’est ce que suggère la seconde édition du Baromètre « les addictions et leurs conséquences chez les jeunes » d’Ipsos et de la Macif, dont les résultats ont été publiés le 14 juin.
« Quel est le niveau de prévalence des comportements addictifs des jeunes depuis la crise sanitaire ? Deux ans de crise ont-ils impacté leurs motivations à consommer et leur perception du risque (…) ? Quels risques conscients ou non prennent-ils sous l’emprise de substances ? » Telles sont les questions qui se posent en 2022 en matière d’addictions, estiment Ipsos et la Macif dans un communiqué diffusé ce mardi.
Pour répondre, l’entreprise de sondages, qui avait déjà brossé l’année dernière un panorama des consommations à risque des jeunes, a réalisé en avril 2022 une nouvelle enquête en ligne auprès de 3 500 personnes de 16 à 30 ans.
Des consommations stables mais préoccupantes
Selon les résultats de cette seconde étude, la prévalence des comportements addictifs reste globalement stable par rapport à l’année dernière. De fait, la proportion de consommateurs réguliers de cannabis, mais aussi d’ecstasy, de MDMA, de GHB, de poppers, de protoxyde d’azote, de LSD, de cocaïne, de crack ou encore d’héroïne n’a augmenté que d’un ou deux points. Le taux de jeunes utilisant des écrans interactifs plus de 6 heures par jour reste le même. La proportion de consommateurs réguliers d’alcool a même diminué de deux points. Au total, seul le taux de prévalence du tabagisme régulier progresserait « significativement » de quatre points.
Cependant, pour Ipsos, ces consommations « n’en demeurent pas moins préoccupantes ». D’abord car une réduction de certaines pratiques addictives était attendue - et ne s'est pas vérifiée - à l’instar du temps excessif passé devant les écrans. De plus, le niveau d’utilisation des produits les plus courants reste élevé. En effet, près de la moitié des 16-30 ans consomme régulièrement de l’alcool, près d’un tiers du tabac, et plus d’un sur dix du cannabis. Au contraire, concernant les autres substances illicites comme l’ecstasy, la MDMA, le GHB, la cocaïne, etc., « la proportion de jeunes n’en ayant jamais consommé diminue », souligne Ipsos.
Les jeunes vivant en colocation à risque
Et dans certains sous-groupes, la prévalence des comportements addictifs a en réalité augmenté. Ipsos pointe surtout les jeunes vivant en colocation, chez qui la consommation de cannabis a augmenté de 7 points. « Le fait d’habiter en colocation ou en résidence étudiante apparaît, encore plus cette année, comme un facteur favorable à la consommation : l’effet du collectif et le retour à la vie normale semblent en effet jouer un rôle déterminant. »
Mais surtout, les risques associés à toutes ces consommations s'accroissent, d'abord avec une hausse de la prévalence des situations de « perte de contrôle », avancée comme une des motivations principales des conduites addictives. « 78 % des 16-30 ans consommateurs réguliers de substances ont perdu le contrôle d’eux-mêmes au moins une fois au cours des 12 derniers mois au point de ne plus vraiment savoir ce qu’ils faisaient », soit 7 % de plus que l’année dernière, souligne un résumé de la Macif. Des pertes de contrôle aussi liées à l’utilisation des écrans interactifs,avec une perte de la notion du temps, des difficultés d’endormissements, etc.
Ces pratiques à risque « alimentent aussi plus d’expériences de situations négatives » : plus de 80 % des consommateurs réguliers interrogés ont été confrontés à des expériences de bad trip, d’échec scolaire ou professionnel, d’isolement social, de troubles de la sexualité, etc. liées à leur pratique addictive – alors qu'ils étaient moins de 75 % l’année dernière.
Rebond du trafic et de la consommation de drogues en Europe
En fait, cette évolution des pratiques addictives des jeunes s’inscrit, en matière de consommation de substances illicites, dans un contexte international plus global de rebond de progression et de mutation de l’utilisation des drogues après les confinements successifs. Une situation déjà soulignée par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) début mai, sur laquelle l’instance revient encore ce mois de juin dans son Rapport européen sur les drogues 2022.
Ce document souligne à nouveau les « niveaux élevés » de disponibilité et de consommation de drogues dans l’Union européenne, qui ont rapidement rebondi après le début de la crise. Une résilience favorisée par la mondialisation, qui « continue de stimuler l’innovation dans le domaine du trafic et de la production de drogues », de plus en plus diverses et pures. Mais aussi notamment par le numérique. « Les réseaux sociaux et les services cryptés de messagerie semblent être plus couramment utilisés pour faciliter les achats de drogues », affirme l’OEDT.
Une situation internationale à risque
Concernant les nouveaux points d’inquiétude soulevés pour certaines drogues en particulier, l’OEDT cite notamment « la complexification de l’environnement politique européen relatif au cannabis », substance illicite la plus couramment utilisée. Concernant la cocaïne, c’est surtout le fort sursaut de la consommation de cette drogue qui mérite d’être soulignée. « Un volume record de 213 tonnes de cocaïne a (ainsi) été saisi dans l’Union européenne en 2020. » De plus, l’OEDT pointe une « propagation de la consommation de crack parmi les populations vulnérables », notamment en France, ainsi qu’un « trafic record de cathinones de synthèse vers l’Europe ».
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