Le 23 novembre, le Bus du cœur a terminé sa tournée nationale 2023 avec une dernière étape symbolique au ministère de la Santé et de la Prévention. Depuis septembre 2021, plus de 8 700 femmes ont été reçues en consultation dans 38 villes par les équipes mobilisées autour de la Pr Claire Mounier-Vehier, cardiologue et médecin vasculaire (CHU de Lille), qui milite pour la santé des femmes depuis des années. Le ministre Aurélien Rousseau est venu apporter son soutien, avec des avancées qui se traduiront dans le plan de prévention 2024.
Chaque jour en France, 200 femmes décèdent d’une maladie cardiovasculaire, soit 76 000 décès par an. « C’est la première cause de mortalité des femmes en France et dans le monde, souligne la Pr Claire Mounier-Vehier. Ce qui est terrible, c’est que dans huit cas sur 10, une prévention active permettrait d’éviter aux femmes l’entrée dans la maladie. »
Agir pour le cœur des femmes vise à mettre en place un parcours de soins cardio-gynécologiques coordonné, pour des dépistages aux trois phases clés de la vie hormonale d’une femme - prise de contraception, grossesse et ménopause - avec notamment un bilan cardiovasculaire lors de l’entrée dans la ménopause. Pour Thierry Drilhon, administrateur et dirigeant d’entreprises, cofondateur avec la Pr Claire Mounier-Vehier d’Agir pour le cœur des femmes : « Ce que nous souhaitons favoriser, c’est la mise en place de parcours de soins complet, dans une approche holistique de la santé des femmes. »
Un parcours de soins complet
Cette trente-huitième et dernière étape de la tournée 2023 du Bus du cœur est organisée au ministère de la Santé. Aurélien Rousseau en a informé ses collaboratrices par mail. « C’est impressionnant, tous les créneaux étaient pris en moins d’une heure », témoigne Michelle Guillern, 62 ans, qui attend son tour en discutant avec des collègues. Elle a passé ses tests, dans les locaux du ministère et dans le bus attenant.
« On a un mini-laboratoire qui nous permet de faire un bilan lipidique complet en six minutes, explique Pascale Atlan, ancienne infirmière de bloc à l’hôpital, qui accueille les patientes dans le bus. On réalise un bilan métabolique, avec calcul d’indice de masse corporelle (IMC), qui sera indiqué dans le livret de dépistage remis en fin de parcours. » Avant, les patientes passent écho-doppler et électrocardiogramme d’effort, sous des tentes.
La précarité sanitaire peut concerner toutes les femmes
« Ce qui est étonnant, c’est que la question s’est à un moment posée de savoir si les femmes travaillant au ministère de la Santé allaient prendre sur leur temps de travail et venir, explique Thierry Drilhon. Cette adhésion traduit une prise de conscience collective sur l’importance de prendre soin de sa santé. »
Le cofondateur observe que la précarité sanitaire n’est pas forcément liée aux conditions socio-économiques. « Les portes d’entrée dans la maladie ne sont pas les mêmes pour les femmes dites précaires et celles qui ne le sont pas, mais une femme très insérée socialement ne sera pas exempte de stress, d’une charge mentale importante. Et même, parfois, de maltraitance, voire de violences sexuelles », rapporte-t-il.
Vigilance pour la contraception
La cardiologue appelle à une vigilance accrue de la part de tous les professionnels de santé. « Les femmes qui ont fait une prééclampsie par exemple réagiront moins bien face à un infarctus, souligne la Pr Mounier-Vehier. Les facteurs de risque de la grossesse identifient des femmes un peu plus à risque de faire plus tard des accidents cardiovasculaires et métaboliques à la ménopause. Chez 40 % des femmes, nous avons changé les prescriptions de contraception, qui étaient contre-indiquées. Il faut être particulièrement vigilant à la contraception prescrite chez les patientes de plus de 45 ans et les plus jeunes présentant un tabagisme ou une obésité. »
Par ailleurs, 52 % des femmes avaient plus de 50 ans et 4 000 femmes étaient ménopausées. « La ménopause en France est mal encadrée sur le plan médical à la lumière des données épidémiologiques, estime la cardiologue. Ces femmes ont deux fois plus de risque cardiovasculaire que les femmes non ménopausées, or elles n’ont souvent jamais vu de cardiologue ou de médecin cardiovasculaire, et une sur deux est en rupture de soins gynécologiques. »
Virage de la prévention
Le 23 novembre, le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, est venu dire son soutien à l’initiative nationale née du terrain. « La soutenabilité du système de santé dépend de notre capacité à prendre ce virage de la prévention, car si on ne le prend pas, ce sera insoutenable, y compris au sens financier du terme, souligne le ministre. Quand l’intérêt individuel, la santé publique et la soutenabilité en termes d’effort collectif se rejoignent, nous serions bien sots de ne pas embarquer dans votre bus ».
Derrière les paroles, des actes. En janvier 2024, les bilans préventifs avec consultations aux âges clés de la vie des femmes, seront mis en place. « C’est essentiel d’accompagner les femmes aux périodes clés de leur vie, de la contraception à la ménopause en passant par la grossesse et la vieillesse, comme le propose le plan ministériel de prévention 2024 qui entrera en vigueur en janvier prochain », souligne la Pr Mounier-Vehier. En début d'année, sera annoncée une journée nationale pour le cœur des femmes qui déclinera cette opération née hors les murs dans des établissements de soins publics et privés, afin d'inscrire les parcours de soins dans la durée.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce