Primaire citoyenne

Charlotte Marchandise : « En santé publique, l'injonction surplombante ne fonctionne pas »

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Publié le 03/02/2022
Charlotte Marchandise est arrivée sixième au vote de la primaire citoyenne avec 3 % de vote très bien, 9 % de bien, 19 % assez bien, 22 % passable et 46 % insuffisant. Experte en santé publique, elle nous donne son point de vue sur la gestion de la crise sanitaire.

Crédit photo : Crédit photo : Laetitia Lopez

Quelle est votre réaction après ce vote de la primaire populaire ?

Charlotte Marchandise : Je suis sidérée que les candidats n'aient pas joué le jeu dès le départ et que tous les partis d'une façon très large aient fait preuve d'autant de mépris face à une jeunesse militante. Ce fut une vraie déception. Et cela alors que les jeunes ne votent plus, et que 70 % des Français ne croient plus aux partis politiques… Initialement le vote devait avoir lieu en octobre dernier. La Primaire Populaire a dû décaler la date en accord avec le conseil d’orientation et le repousser en janvier à cause de tous ces atermoiements. Toutefois, malgré toutes les attaques et les violences dont les organisateurs ont été victimes, c'est une satisfaction que l'équipe de la primaire populaire ait pu aller jusqu'au bout de ce premier vote au jugement majoritaire. Cela a été une véritable expérience citoyenne, et une formation pour des milliers de bénévoles.

Comment considérez-vous la gestion de la crise sanitaire ?

En France je pense que le gouvernement a manqué d'humilité et de transparence, et surtout de s’appuyer sur les expert(e)s de terrain. Je vis cette crise comme un échec massif au global de tout ce que l'on porte depuis les déclarations d'Ottawa et d'Alma Ata. Il y a eu tellement de décisions absurdes et incohérentes, depuis les déclarations contradictoires sur les masques, les auto-attestations jusqu’aux modalités du passe vaccinal, en passant par les protocoles dans l’Éducation nationale, jusqu’à l’utilisation presque exclusive pendant un temps de la plate-forme Doctolib. Comment a-t-on pu à tel point nier la fracture numérique et ne pas avoir au contraire travaillé de façon beaucoup plus agile et proche du territoire ? Le Maroc est plus efficace que nous pour aller vacciner les personnes les plus vulnérables en utilisant simplement le téléphone. Nous avons clivé notre société alors que cela aurait dû être un moment exceptionnel de solidarité et d'union nationale. Sans avoir la solution immédiate à la crise de la Covid, nous aurions pu la construire pas à pas et l'adapter ensemble. Tous les indicateurs de santé globale parlaient de possibles pandémies depuis des années. Une équipe de l’OMS avait même déjà créé un serious game à l'OMS pour simuler l'apparition d'un coronavirus qui bloquait l'économie mondiale ! En juillet 2020, en tant que Réseau des villes-santé de l’OMS, nous avons interpellé la DGS pour leur demander comment le parcours vaccinal allait être organisé. Mais nous n'avons jamais eu de réponse. Résultat, tout s'est fait à la dernière minute de manière désordonnée. Dès le départ, nous savions que les inégalités sociales de santé allaient être le plus grand enjeu. Tous les dispositifs très élaborés dans le domaine sur tout le territoire ont été très peu mobilisés. Il y avait pourtant des choses extraordinaires à créer, mais cela n'a pas été fait au niveau de l’État. En revanche il y a eu des initiatives citoyennes absolument remarquables, notamment provenant des quartiers. Et nous avons été incapables de capitaliser là-dessus. Sur la santé mentale, alors que l'on assiste à une hausse des suicides chez les jeunes de 300 %, aucune réaction non plus. En santé publique, l'injonction surplombante ne fonctionne pas.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr