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Christelle Mazza, avocate : "On ne demande pas une médiation en cas de viol, le harcèlement est un délit inscrit au code pénal"

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Publié le 14/03/2018
Lors de la première Journée nationale organisée par l'association Jean-Louis Megnien, maître Mazza s'est prononcée contre le recours à la médiation dans les cas de harcèlement moral à l'hôpital. Elle s'en explique dans un entretien accordé à Décision & Stratégie Santé.
visuel Mazza

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Décision & Stratégie Santé :  Pourquoi la médiation ne serait-elle pas adaptée aux cas de harcèlement à l'hôpital ?

Christelle Mazza. La médiation est un mode alternatif des conflits et des litiges. Or le harcèlement moral n’est pas un conflit, mais relève de rapports de domination. À partir du moment où la médiation est institutionnelle ou interne à l'administration, la plupart du temps réalisée à l'intérieur de l'hôpital, le confrère désigné pour se charger de la médiation éprouvera des difficultés à se positionner face aux accusations lancées par l’un des mis en cause. D'où la résolution par des jugements à la Salomon alors que l'on est confronté à des situations de destruction extrêmement lourdes. Par ailleurs, lorsqu'on est victime d'un harcèlement moral, on est le plus souvent isolé, ostracisé. On est rarement aidé par l'institution qui a tendance à se défendre pour se protéger. D'autant qu'elle sous-estime les conséquences du harcèlement. La médiation n'est donc pas adaptée. En cas de médiation nationale, le médiateur n'est pas là pour arbitrer, mais s'efforce de trouver une solution pérenne pour la victime. Cela se conclut par une nouvelle affectation par exemple. Le médiateur ne se prononce donc pas sur la responsabilité ou les sanctions. Le médiateur joue là l'intermédiaire entre deux visions qui s'opposent.

DSS. Mais pour autant on a recours à la médiation en cas de conflits conjugaux ?

C. M. Ce sont des conflits différents. Nous sommes dans la passionnel, l'émotionnel. Les couples se battent sur des éléments matériels, des gardes d'enfants. Sauf dans les cas de violence conjugale ou de harcèlement, la médiation est ici justifiée. Je compare souvent les violeurs aux auteurs de harcèlement moral. À un homme qui frappe sa femme, on ne lui proposera jamais une médiation. Lorsqu'une personne est anéantie psychologiquement, il serait pour le moins inadapté de lui demander de s'asseoir à côté de son harceleur. La médiation est donc adaptée lorsqu'il faut trouver un compromis, en cas de restructuration d'un service hospitalier par exemple. En matière de harcèlement, on ne fait pas de compromis.

DSS : Mais la médiation est un dispositif plus simple, moins coûteux qu'une procédure ?

¶C. M. On présente la médiation comme un dispositif simple. C'est faire une entorse grave à notre système judiciaire qui est le dernier rempart démocratique. Il permet aussi une parole libre avec une procédure qui encadre le contradictoire et les droits de la défense. Il y a aussi le critère de l'impartialité qui est au cœur de la justice. Les modes alternatifs ont en fait été conçus pour désengorger la justice pour des litiges ou des conflits matériels. Lorsqu'on touche à l'Homme, le dispositif de la médiation n'est plus adapté. Le harcèlement, rappelons-le, est un délit inscrit au code pénal. Un décret publié le 17 février dernier rend pourtant la médiation obligatoire dans la fonction publique à titre expérimental. Il concerne surtout le maintien dans l'emploi et les personnes vulnérables porteuses de handicap. En fait, ce type de mesure qui part d'un bon sentiment précarise l'accès à la justice. Et a comme effet retors de rallonger les délais de procédure. En fait, il faut un budget pour la justice, c'est un peu comme pour l'hôpital public.


Source : Décision Santé: 310