Alors que l'Agence européenne du médicament (EMA) vient d'autoriser l'utilisation du vaccin de Pfizer-BioNTech chez les 12-15 ans et que la Haute autorité de santé (HAS) devrait se prononcer très prochainement sur l'opportunité d'étendre la campagne vaccinale française aux adolescents, le sujet fait débat. Considérant que le bénéfice individuel de la vaccination reste très limité en population pédiatrique, le Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie (SFP), estime qu'il n'y a pas d’urgence.
Quels bénéfices individuels sont associés à la vaccination des enfants ?
Pr Christèle Gras-Le Guen : On a affaire à une situation très particulière, qui ne ressemble à aucune autre en matière de vaccination car on s’apprête à proposer à des enfants un vaccin certes efficace mais associé pour eux à un bénéfice individuel quasiment nul. Moins de 10 mineurs sont décédés en France depuis le début de la pandémie à cause du Covid-19 et d'après Santé Publique France, moins de 0,1 % des hospitalisations concernent des sujets de moins de 18 ans. Finalement, les seuls enfants pour lesquels la vaccination apparaît directement intéressante et qui devraient devenir prioritaires sont ceux qui présentent des déficits immunitaires liés à des maladies chroniques ou à leur traitement, comme les patients greffés ou sous chimiothérapie. Cependant, la pandémie ayant fortement impacté la santé mentale des plus jeunes, régulièrement désignés - à tort - comme de gros contaminateurs, le vaccin pourrait être envisagé comme un moyen permettant de réduire l’anxiété et la culpabilité qu’ils ont développées depuis plus d’un an. Mais il s’agit là d’un bénéfice très indirect.
La vaccination des enfants présente donc plutôt un intérêt collectif ?
Pr C. G-LG : La vaccination des plus jeunes a des bénéfices indirects collectifs, mais ceux-ci sont faibles. Alors qu'ils ont été stigmatisés tout au long de la pandémie – avec l'idée selon laquelle ils constitueraient un réservoir du virus et entretiendraient l'épidémie –, les enfants participent en fait peu à la dynamique épidémique. Ainsi, le ministère de l’Éducation nationale indique que le taux de positivité des tests réalisés en milieu scolaire reste inférieur à 0,5 %. D’où, d’ailleurs, le faible impact de la récente fermeture des classes sur la circulation virale. En outre, on sait que ce sont les adultes qui contaminent les enfants. Aussi, il apparaît plus intéressant de continuer à cibler en priorité les adultes, et non les enfants – dont la vaccination, comme la fermeture des classes, n’ajouterait qu’un petit plus à la lutte contre la circulation du SARS-CoV-2.
Le vaccin de Pfizer-BioNTech, autorisé la semaine dernière par l’EMA chez l’adolescent de 12-15 ans, est-il vraiment fiable en population pédiatrique ?
Pr C. G-LG : Le vaccin semble efficace mais puisqu’il s’agit d’une vaccination altruiste, on doit surtout nous donner des gages d’une innocuité absolue. Pour les adolescents, on n’a pas d’inquiétude même si les études ont seulement permis d'identifier les effets secondaires les plus fréquents et qu'une attention particulière devra être accordée à la pharmacovigilance pour la recherche d'éventuels effets plus rares. Mais on a encore peu d’informations sur la sécurité des vaccins chez les enfants plus jeunes. Or on craint que, dans cette population, le vaccin puisse déclencher des syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques (PIMS) – réactions à certaines parties du SARS-CoV-2 observées chez certains enfants à distance de l’infection. À ce titre, on a besoin, chez les plus petits, de plus de temps et de plus de recul pour s’assurer de l’absence de réaction post-vaccinale dangereuse.
Au total, faut-il vacciner les enfants ?
Pr C. G-LG : Il me semble que les enfants ne sont pas prioritaires et qu’il ne faut pas se tromper de cible vaccinale. Ce serait un non-sens de vacciner les enfants tant qu’on n’a pas vacciné les adultes, et ce à l'échelle internationale, comme le conseille l’OMS. En outre, on doit aux enfants, et en particulier aux adolescents, une information loyale. Aussi, si la décision de leur proposer la vaccination était prise, il ne faudrait pas leur promettre en échange un retour à la vie d’avant ou une rentrée de septembre sans maque si cela s'avérait impossible. D’ailleurs, concernant la rentrée de septembre, la vaccination des enfants ne devrait pas être considérée comme une mesure anxiolytique visant à calmer les esprits en prévision de cet évènement annuel.
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