Darmanin souhaite pénaliser les « certificats de virginité »

Publié le 07/09/2020
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Médecin rédigeant un certificat. Image d'illustration.

Médecin rédigeant un certificat. Image d'illustration.
Crédit photo : GARO/PHANIE

« Malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l'Ordre, certains médecins osent encore certifier qu'une femme est vierge pour permettre un mariage religieux ». Dans un entretien accordé au Parisien, Gérard Darmanin a fait part de son intention de « s’attaquer » aux certificats de virginité, à l'occasion de la préparation du projet de loi contre les séparatismes.

« On va non seulement l'interdire formellement, mais proposer la pénalisation », a promis le ministre de l'intérieur. Des déclarations qui s’inscrivent dans la lignée de propos tenus par Emmanuel Macron en février – « dans la République, on ne peut pas exiger des certificats de virginité pour se marier », avait-il souligné lors d’un déplacement dans le Haut-Rhin à l’occasion duquel il avait présenté sa stratégie de lutte contre le communautarisme et le séparatisme.

Le « test de virginité », une violation des droits de l’Homme dénuée d’utilité médicale

Les tests de virginité ont une longue histoire marquée par de nombreux débats et suscitent encore aujourd’hui, à en juger par les questions posées sur divers forums en ligne, les interrogations du grand public. Pourtant, de nombreuses études ont montré que la valeur médicale et sociale de tels tests, et des certificats éventuellement rédigés après leur réalisation, est nulle. C’est ce que rappelle un rapport de l’OMS publié en 2018 : d’après l'organisation internationale, la réalisation de « tests de virginité » est totalement dénuée d’utilité médicale et constitue une atteinte à divers droits de l’Homme tels que le droit d’être protégé de toute discrimination sexuelle, le droit à la vie privée et à l’intégrité physique ou le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Aussi, pour l’OMS, la pratique de tests de virginité doit être éradiquée.

De même en France, en accord avec les conclusions de l’OMS, le Conseil national de l’Ordre des médecins considère que les examens de constatation de virginité n’ont « aucune justification médicale et [constituent] une violation du respect de la personnalité et de l'intimité de la jeune femme, notamment mineure, contrainte par son entourage de s'y soumettre, ne relève pas du rôle du médecin ».

 Ainsi, le médecin doit refuser de pratiquer ce type d’examen et de rédiger un certificat de constatation de virginité. Sur son site, le Conseil Départemental de la Mayenne de l'Ordre des médecins évoque toutefois deux situation médico-légales particulières. La première concerne les femmes désirant faire constater leur virginité en vue de procédures d’annulation de mariage pour non-consommation; l’examen et le certificat étant alors « réalisés par un collège de médecins ». La seconde correspond aux sollicitations émanant de jeunes femmes vierges pubères, victimes d’une agression sexuelle – « il s'agit alors moins d'un certificat de constatation de virginité que d'un certificat de constatation de violence sexuelle qui doit être établi dans les formes médico-légales habituelles et s'accompagner des prélèvements et examens biologiques nécessaires ».

Une pratique sous estimée ?

Certains praticiens outrepassent-ils cependant l’interdiction, ignorant les conclusions de l’OMS et le positionnement de l’Ordre – comme le suggère Gérald Darmanin ?

D’après l’OMS, la réalisation de certificats de virginité concerne plutôt des pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen Orient tels que l’Afghanistan, le Brésil, l’Égypte, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, la Libye, etc., où cette pratique est documentée. « En raison de la mondialisation croissante du siècle dernier, des demandes et des cas de tests de virginité émergent dans des pays sans antécédents connus de la pratique, notamment en Belgique, au Canada, aux Pays-Bas, en Espagne et en Suède », affirme l’OMS, qui ne cite pas la France mais reconnaît que dans les pays occidentaux, la réalisation de tests et de certificats de virginité pourrait être sous-comptabilisée.

Dans l'hexagone, certains témoignages de généralistes ou de gynécologues, comme ceux recueillis par le syndicat Les Généralistes-CSMF, suggèrent en tout cas que les praticiens peuvent parfois être confrontés à ce type de demandes émanant de patientes ou de leur famille.

Préparé pour l’automne 2020, le projet de loi contre les séparatismes devrait être abordé lors du séminaire gouvernemental du 9 septembre.

 

Irène Lacamp

Source : lequotidiendumedecin.fr