Dr Jacques Battistoni (MG France) : « Après les discours, nous attendons les actes »

Par
Publié le 27/05/2019
Article réservé aux abonnés
MG France Battistoni

MG France Battistoni
Crédit photo : S. Toubon

LE QUOTIDIEN. Votre 8e congrès est placé sous le signe de la mutation de la profession. Quels sont les priorités ?

Dr JACQUES BATTISTONI. La mutation de la médecine générale s'opère sous nos yeux sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs : le vieillissement de la population qui modifie la demande de soins, la démographie médicale déclinante et l'arrivée des outils numériques dans les cabinets, et bientôt de l'intelligence artificielle.

Demain, le généraliste sera un médecin de pratiques avancées. La technologie lui permettra d’aller plus loin dans le diagnostic clinique, notamment dans le domaine de l'échographie ou avec la dermatoscopie pour les lésions cutanées. Tout cela nécessite des adaptations ! On ne peut plus imaginer un médecin généraliste travailler tout seul, sans une équipe support autour de lui composée de l'assistant médical et de l'infirmière de santé publique. 

Qu'allez vous dire à Agnès Buzyn ? La politique de santé va-t-elle dans le bon sens  ?

Dans ses discours récents, la ministre décrit un système de santé reposant sur des soins primaires structurés, où les généralistes ont toute leur place. Je demande à la ministre de garder ce cap politique, en adéquation avec les valeurs fondamentales de MG France : un système de santé organisé, une médecine générale reconnue pour ses fonctions, placée sur le même pied d'égalité que les autres spécialités, avec un accès aux soins pour tous dans un système solidaire.

Mais après les discours, nous attendons les actes. Un système de santé organisé repose d'abord sur un nombre suffisant de médecins généralistes. Pour cela, il est urgent de rendre le métier plus attractif en améliorant la protection sociale et les conditions de travail. C'est pourquoi nous réclamons que les horaires de la permanence des soins soient avancés à 19 heures – au lieu de 20 heures – et que les samedis matin soient inclus dans les horaires de la PDSA. On passerait ainsi de 64 heures de travail par semaine à 55 heures.

Le combat des honoraires passe-t-il encore par la hausse de la consultation ?  

L’attractivité de la profession passe aussi par la rémunération. La convention médicale de 2016 a fait un premier pas vers l’équité entre spécialités en revalorisant davantage les honoraires des médecins généralistes, mais cela reste insuffisant. Nous devrons trouver de nouveaux moyens pour améliorer cette équité dans la future convention.

Faut-il revaloriser davantage l'acte, ou privilégier les forfaits ? Il faut agir sur ces deux leviers. Réclamer une hausse de la consultation de base ne sera pas forcément notre préférence. Nos priorités porteront davantage sur la revalorisation de la visite longue à domicile et sur le suivi des patients chroniques en équipe.

Le projet de loi de santé introduit de nouvelles délégations de tâches. Y a-t-il des lignes rouges ?

Le travail en équipe ne consiste pas en une délégation généralisée de tâches qui aboutirait à une vente à la découpe de la médecine générale. Ce n’est pas comme cela qu’on sécurisera les professionnels dans leur exercice, et ce d’autant plus que les tâches qui nous seraient enlevées ne nous permettent pas de gagner du temps médical.

Les députés qui ont souhaité ces évolutions – comme le pharmacien prescripteur – font fausse route. Si le gouvernement les soutient, nous ferons en sorte que les protocoles de délégation s’appliquent dans un cadre très précis, validé uniquement par les équipes de soins sur le terrain.

MG France devra se prononcer avant mi-juin sur les deux textes conventionnels – assistants médicaux et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Quelle est la tendance ?

Nous avons porté les deux dispositifs et les résultats finaux, fruits d'une négociation, ne sont pas parfaits. Les adhérents de MG France vont peser les avantages et les inconvénients et mon rôle est d'éclairer leurs choix. Concernant les CPTS, je le dis clairement : la profession doit s'en saisir car c'est une chance pour la médecine libérale. Ces communautés permettront aux médecins isolés, non reconnus par les interlocuteurs, d'être représentés sur le territoire. C’est un changement fondamental.

Quant aux assistants médicaux, je rappelle que le recrutement n'est qu'une option et ne sera en aucun cas obligatoire. Pour autant, le syndicat doit-il accompagner ces réformes importantes ? C'est la question que je poserai aux adhérents.

La création des assistants médicaux était une de vos revendications. Qu'est ce qui coince ?

Même si le financement sur la table n’est pas négligeable, nos adhérents trouvent cet avenant mal fagoté. D’abord parce que l’aide est dégressive. L’assistant médical devra prouver son efficacité pour que les médecins puissent avoir envie de le recruter définitivement. Mais surtout, les contreparties réclamées en termes d'activité sont difficiles à évaluer car elles reposent sur un pari qui est la possibilité d’augmenter sa patientèle. Ce dispositif sera sans doute attractif pour des médecins dans les situations de tension médicale. Tout dépend des conditions d’exercice.

L'exercice coordonné deviendra un prérequis pour toucher le forfait structure. Acceptez-vous cette condition ?

Nous nous sommes opposés à ce que l’exercice "coordonné" se résume à un exercice dans des structures formalisées, que sont les maisons de santé (MSP) et les CPTS. Nous avons obtenu la prise en compte de toutes les formes d’exercice coordonné. La participation à une réunion pluriprofessionnelle ou à un groupe de travail sur la prise an charge des addictions doit être reconnue comme un premier pas. Nous défendrons toutes les formes d'exercice coordonné dans lesquelles s'inscriront les médecins.

Nombre de médecins redoutent l'usine à gaz des CPTS. Comment les rassurer ?

Il faudra faire de la pédagogie. La CPTS doit être envisagée comme une association qui apporte des services aux professionnels pour améliorer leurs conditions de travail. Par exemple, la continuité des soins est une demande forte de la population. En l'organisant, la CPTS permetta aussi aux médecins de terminer à 19H, de prendre un jour de congé dans la semaine ou de partir en vacances, tout en s’assurant que leurs patients sont pris en charge avec un retour d’information !

Propos recueillis par Loan Tranthimy Exergue1. Demain, le généraliste sera un médecin de pratiques avancées Exergue2. Nous réclamons que les horaires de la permanence des soins soient avancés à 19 heures, au lieu de 20 heures

Source : Le Quotidien du médecin: 9753