Hépatite C, les nouvelles recos 2016

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Publié le 21/11/2016
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Deux ans après le précédent rapport, un nouveau document précise les enjeux soulevés par l’universalisation des droits aux traitements contre l’hépatite. Et ouvre de nouvelles pistes en matière de prise en charge. Explications.

Les nouvelles recommandations du Pr Daniel Dhumeaux sont d’autant plus légitimes que les résultats des études menées dans la « vraie vie » avec des patients parfois plus atteints que ceux recrutés dans les essais cliniques valident les excellents résultats recueillis dans les dossiers d’AMM. D’où l’urgence d’aller à la rencontre des 75 000 personnes infectées par le VHC et non encore dépistées. Le rapport 2016 propose donc d’élargir les pratiques. Désormais, non seulement les hommes mais aussi les femmes, nouveauté de 2016, devraient bénéficier d’un dépistage systématique au moins une fois dans leur vie. Cette extension repose sur les résultats d’une étude médico-économique française. Le dépistage en population générale est coût-efficace si le traitement anti-VHC est débuté à un stade précoce de l’infection. En revanche, il n’est plus « rentable » si le traitement est prescrit à un stade avancé de la fibrose. Le bénéfice est encore plus grand si l’on prend en compte la réduction du risque de transmission du VHC.

Revoir les choses

Quant à la prise en charge thérapeutique, elle change désormais de dimension. Et contraint à une organisation différente. Les réunions de concertation pluridisciplinaire ne seraient plus un préalable à la délivrance des traitements comme dans la situation actuelle. Elles seraient limitées aux cas les plus complexes. L’initiation du traitement demeure sous la responsabilité de l’hépatologue qui doit recevoir le patient dans un délai bref (15 jours pour la prise de rendez-vous). Mais le suivi relèverait du médecin généraliste ou d’infirmières préalablement formées.

Populations éloignées des structures de soins

Le profil des patients touchés par l’hépatite C oblige aussi à une prise en charge sur-mesure. Ils appartiennent à des populations parfois marginalisées, éloignées des structures de soins. Les usagers de drogue ont ainsi payé un lourd tribut. Mais la prévalence désormais diminue. Les professionnels en premier lieu doivent être convaincus d’une bonne observance chez ces patients aux antiviraux à action directe. L’essentiel serait surtout de procéder à une évaluation globale, à la fois « addictologique, médico-sociale autant qu’hépatologique, prenant en compte d’éventuels facteurs de risque associés de maladie du foie ». Le recours aux Trod (tests rapides d’orientation diagnostique), substitut aux prélèvements sanguins doit être encouragé.

Prisonniers

Des mesures spécifiques sont destinées aux patients incarcérés. Un dépistage de l’infection à VHC serait systématiquement proposé lors de la consultation médicale d’entrée. L’organisation sanitaire exige aussi d’être repensée. Un médecin spécialiste du traitement de l’infection à VHC serait attaché à chaque unité sanitaire. Une ouverture anticipée des droits sociaux sera programmée notamment chez les détenus sans protection sociale afin d’éviter une rupture thérapeutique.

Migrants

Les problèmes les plus aigus sont rencontrés chez les personnes migrantes et étrangères. Là encore, le rapport propose d’expérimenter des dispositifs proactifs d’accompagnement, de prévention et de soins de l’infection par le VHC. Le recours aux patients experts et aux médiateurs de santé est encouragé. Les auteurs incitent à développer une approche communautaire.

Coïnfections

Au-delà des populations défavorisées et/ou en rupture, les patients coïnfectés par le VHC et le VIH nécessitent une prise en charge adaptée. La possibilité d’interactions médicamenteuses avec le traitement de l’infection à VIH sera recherchée. Ici le recours aux RCP s’impose. Le suivi hépatologique exige d’être poursuivi au-delà de la guérison virologique. Enfin, l’existence de comportements sexuels à haut risque expose à une recontamination.

Les secrets du VHC

Bref, cet accès sans frein aux traitements novateurs soulève de nouvelles questions, notamment sur le front de la recherche. Quels sont les effets à moyen et long terme de ces traitements chez les sujets sans fibrose hépatique ? Quels mécanismes sont à l’œuvre dans la carcinogenèse hépatique ? On ne comprend toujours pas comment survient un carcinome hépatocellulaire chez les patients cirrhotiques ayant guéri leur infection. Sans parler du "serpent de mer" de la mise au point d’un vaccin. Le virus de l’hépatite C est loin d’avoir livré tous ses secrets.


Source : lequotidiendumedecin.fr