Brève

Jean-Jacques Zambrowski : "La santé a été très longtemps considérée comme un coût"

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Publié le 28/04/2020
Covid-19

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Quelles sont les leçons à tirer de cette crise ?

La plus importante, c’est d’avoir très longtemps considéré la santé comme un coût et la variable d’ajustement des budgets publics. Regarder l’hôpital comme le parent pauvre, et la médecine libérale vivant largement au crochet de l’État sont autant de logiques qu’il faudra à l’avenir réviser. Le président de la République a annoncé une révision profonde de la politique de santé. Espérons que ces promesses ne seront pas oubliées lorsqu’il s’agira de construire le prochain PLFSS. Faut-il encore longtemps se satisfaire du tarif indécent de la consultation de médecine générale à 25 euros ?

La revalorisation de la consultation n’exige-t-elle pas un engagement plus précis dans la permanence des soins ?

La crise oblige à une complète révision des attitudes des uns et des autres. On entend parfois une expression corporatiste qui ne prend pas en compte les demandes de la société d’aujourd’hui, de celles des gilets jaunes au-delà de ses excès, de la nouvelle donne sociale, démographique, économique. Résultats, le système de santé est totalement inadapté aux exigences nouvelles, comme en témoignent les barrières entre la ville et l’hôpital, le mépris exprimé par certains professionnels envers d’autres, le refus de la délégation de tâches. On a procédé à ce jour à de petites retouches sans prendre en compte les évolutions technologiques, scientifiques, éthiques survenues depuis cinquante ans.

Entre les exigences d’un PLFSS et l’open-bar, comment arbitrer ?

Nous avons opté pour une société plus équitable où le risque en santé était pris en charge par la collectivité. Il faut bien sûr procéder à une régulation de la demande. Mais quels principes doivent être retenus ? En tout cas la vision exige de construire un système pour les dix prochaines années. Est-on prêt à une remise à plat du système en recourant à d’autres experts que les hauts fonctionnaires formés par le moule de l’ENA ou de l’EHESP ? La santé a au cours des dernières décennies été financiarisée. Il faut trouver un point d’équilibre entre les légitimes attentes des patients, des forces économiques et des professionnels. Et espérer qu’elles s’alignent enfin autour du plus grand commun dénominateur.

Bercy peut-il être encore demain le vrai ministère de la Santé ?

Bercy est le gardien des fonds publics, dirigé par des inspecteurs des finances choisis au sein de l’élite de la Nation. Leur système de pensée ne se nourrit pas d’autres arguments que comptables. Mais l’économie, à savoir le juste usage de la ressource, se réduit-elle aux seuls moyens financiers ? Non car elle inclut tous les autres usages, celui de la ressource humaine, intellectuelle. Le mépris d’un certain nombre de paramètres comme celui de la qualité de vie à l’aune de critères exclusivement financiers n’est pas de nature à faire progresser la société, comme en témoigne le coût de la crise des gilets jaunes. J’ai toutefois une espérance. Cet épisode entraînera un sursaut éthique, économique, politique à l’image des grandes crises qui ont déchiré le pays au cours du XXe siècle. Et ont contraint au changement. Je veux y croire d’autant que s’il n’y a pas demain d’Europe de la santé plus vigoureuse, on sera la proie facile pour une nouvelle agression virale ou autre.


Source : lequotidiendumedecin.fr