Santé publique

La France repousse son choix sur le cannabis médical

Publié le 07/10/2022

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Le cannabis, deviendra-t-il un jour un traitement en France ? Le gouvernement repousse le moment du choix, à la déception de patients, de certains médecins et d'élus, y compris de la majorité.

« On est un peu face au mur », a regretté jeudi la députée macroniste Caroline Janvier, n'hésitant pas à critiquer le gouvernement lors d'une conférence en compagnie d'élus de divers bords d'addictologues et de patients. « Je regrette vraiment que sur ce sujet (...) on entende davantage le ministère de l'Intérieur que le ministère de la Santé », a insisté Mme Janvier.

Le cannabis est déjà autorisé dans de nombreux pays européens pour calmer la douleur et l'anxiété de patients atteints de cancer et d'autres maladies. C'est aussi le cas en Israël ou dans plusieurs États américains, tandis qu'au Japon, un groupe d'experts gouvernementaux vient de recommander son autorisation.

La France envisage depuis des années d'approuver le cannabis médical. Mais cette perspective s'est récemment éloignée, le gouvernement ayant discrètement décidé de prolonger une l’expérimentation menée depuis bientôt deux ans. Celle-ci devait aboutir au printemps 2023 et, potentiellement, déboucher sur une généralisation de l'usage de cannabis médical, c'est-à-dire sa prescription possible par l'ensemble des médecins dans des indications bien précises.

L'expérimentation prolongée

Mais l'expérimentation « va être prolongée », a déclaré lundi à l'AFP le ministre de la Santé, François Braun, en marge d'un déplacement au Mans, confirmant des propos tenus quelques jours plus tôt lors d'une audition à l'Assemblée nationale sur le projet de budget de la Sécurité sociale. « On n'a pas le nombre de patients suffisants pour tirer les conclusions », a-t-il justifié.

De fait en juillet moins de 2000 patients avaient été inclus, loin de l’objectif initial fixé à 3 000. L’argument, pour autant, agace les promoteurs du cannabis médical, parmi lesquels plusieurs associations de patients ainsi que des médecins, souvent addictologues. Ils relèvent que l'expérience ne vise pas à prouver le bien-fondé thérapeutique du cannabis médical, mais à montrer que son usage est possible à grande échelle dans le système de santé français.

« C'est arbitraire, 3 000, c'est un calibrage financier », a balayé, lors de la conférence de jeudi, le psychiatre Nicolas Authier, qui pilote scientifiquement l'expérimentation sous l'égide de l'agence du médicament (ANSM).

L'intérêt médical du cannabis débattu

Comme d'autres médecins, M. Authier juge l'intérêt médical du cannabis bien établi. Mais ce consensus n'est pas total. L'Académie de pharmacie, suivie par celle de médecine, a régulièrement critiqué cette expérimentation, estimant qu'elle prenait un peu trop pour un fait acquis les bénéfices thérapeutiques du cannabis. La recherche appuie, elle, dans une certaine mesure, ces bénéfices.

La principale étude de référence, publiée l'an dernier dans le British Medical Journal (BMJ) et réalisée à partir de nombreux autres travaux, concluait que le cannabis médical permet d'améliorer de façon « limitée » ou « très limitée » la douleur ou le sommeil chez les patients souffrant de douleurs chroniques, notant cependant de fréquents effets secondaires.

« On n'a pas dit qu'on avait découvert un miracle (ou) qu'on va donner des médicaments à base de cannabis à tout le monde », a nuancé M. Authier. « Ce sont des médicaments qui sont utilisés (...) quand la médecine ne fonctionne pas mais que la souffrance est bien là. »

Pour certains médecins ou élus, les hésitations du gouvernement obéissent moins à des considérations médicales qu'à un manque de courage politique, Mme Janvier évoquant « une forme de tabou » liée aux débats bien plus larges sur la légalisation du cannabis en général.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr