L'Anses demande le retrait du S-métolachlore, herbicide courant dont les dérivés dépassent les limites autorisées dans les eaux souterraines

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Publié le 15/02/2023

Crédit photo : Burger/Phanie

L'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé ce 14 février vouloir interdire les principaux usages du S-métolachlore, sur la base d'une expertise scientifique qui montre que les dérivés chimiques de cet herbicide agricole courant (le 3e plus utilisé derrière le glyphosate et le prosulfocarbe) ont été détectés au-delà des limites européennes autorisées dans des eaux souterraines. Celles-ci peuvent servir à la production des eaux destinées à la consommation humaine.

Avec 1 946 tonnes par an, « le S-métolachloren autorisé depuis 2005, est l’une des substances actives herbicides les plus utilisées en France », essentiellement dans les cultures du maïs, du tournesol et du soja, explique l'Anses. Après usage dans les champs, cette substance se dégrade en des dérivés chimiques, des métabolites, qui se retrouvent dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines.

Trois métabolites ciblés  

Récemment, « lors des contrôles des eaux souterraines destinées à la consommation humaine, trois métabolites du S-métolachlore (métolachlore-ESA, métolachlore-OXA et métolachlore-NOA) ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité » fixées par la législation européenne, poursuit l'agence sanitaire.

En conséquence, l'Anses annonce qu'elle engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore, dont un certain nombre sont commercialisés par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur. Ceci afin de restaurer et préserver la qualité des ressources en eau.  

Cette décision intervient après de premières mesures de restriction introduites dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore par l'Agence en 2021, à l'issue d'un précédent rapport. Avait notamment été décidée une réduction des doses maximales d’emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho. « Malgré ces mesures de durcissement, les concentrations des trois métabolites du S-Métolachlore sont en situation de dépassement des seuils réglementaires », ce qui laisse courir un risque de contamination des eaux souterraines, reconnaît l'Anses. 

Délais de grâce de 6 à 12 mois 

« La décision définitive de retrait est en cours », a précisé une porte-parole de l'agence. L'interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un « délai de grâce » permettant la vente des produits pendant encore 6 mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses.

Si l'ONG Générations Futures, qui demande le retrait de l'herbicide depuis septembre 2022, salue cette décision, elle dénonce la lenteur du processus d’évaluation, au niveau national, comme au niveau européen. En effet, le S-métolachlore est en cours de réévaluation depuis 8 ans par l'Europe, et dans ce cadre, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) l'a classé comme cancérigène suspecté en juin 2022. Mais la décision de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) se fait encore attendre. 

En France, le plan Ecophyto, révisé en 2018, s'est donné comme objectif de réduire de 50 % l'usage des pesticides de synthèse d'ici à 2025. En 2021, hors produits autorisés en bio et solutions de biocontrôle (utilisant des mécanismes naturels), environ 43 000 tonnes de produits phytosanitaires ont été vendues en France, selon des données provisoires du ministère de l'Agriculture, soit 19 % en dessous de la moyenne de 2012-2017.


Source : lequotidiendumedecin.fr