L’Anses renforce l'encadrement de l’herbicide prosulfocarbe

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Publié le 04/10/2023

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Après deux alertes sur l’herbicide prosulfocarbe, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a annoncé, le 3 octobre, un renforcement des mesures encadrant son utilisation.

Le prosulfocarbe, autorisé depuis 1990 en France, est principalement utilisé sur les céréales (près d'un tiers des surfaces cultivées), les pommes de terre (plus des deux tiers) et sur certaines cultures légumières comme les carottes (plus de la moitié). En 2021, près de 6 500 tonnes en ont été commercialisées, ce qui en fait la deuxième substance active herbicide la plus vendue dans le pays. Sur le plan toxicologique, « la substance n’est pas classée comme cancérigène, mutagène et reprotoxique », rappelle l’Anses dans un communiqué, mais elle peut « provoquer des réactions cutanées pour les personnes exposées ».

Un risque pour les enfants exposés à un dépassement des seuils de sécurité

Dans plusieurs pays européens, dont la France, des résidus de l’herbicide ont été détectés dans les denrées alimentaires issues de cultures non traitées, entraînant en 2018 un renforcement des conditions d’application par l’obligation d’emploi de matériel réduisant la dérive de pulvérisation d’au moins 66 %.

Depuis, plusieurs signalements sont remontés via le dispositif de phytopharmacovigilance de l’Agence. La présence « indésirable » de prosulfocarbe a été identifiée sur des cultures non-cibles (pommes, cresson et roquette) à des niveaux de concentration ne dépassant pas les seuils de risque pour le consommateur, indique l’Anses. Les productions ont tout de même été déclassées et ne peuvent plus être commercialisées, est-il précisé. Autre alerte en Nouvelle-Aquitaine, des pics de concentration dans l’air de l’herbicide ont été observés à l’automne 2021.

Pour ces deux alertes, l'agence a conclu à l'absence de préoccupation sanitaire. Elle a néanmoins engagé une nouvelle évaluation des risques prenant en compte les évolutions récentes sur l’exposition lors de l’application des produits*. « À la suite de cette évaluation, l’Anses ne peut pas exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements », est-il jugé.

Une évaluation européenne en cours

En conséquence, l’Anses instaure de nouvelles conditions d'utilisation à partir du 1er novembre. Les doses maximales de prosulfocarbe autorisées à l’hectare devront ainsi être réduites « d’au moins 40 % ». Les agriculteurs devront utiliser du matériel agricole d’application des produits (buses) « permettant une réduction de 90 % de la dérive de pulvérisation », mais aussi « respecter une distance de sécurité de 10 mètres avec les zones d’habitation ». S’ils ne sont pas équipés de buses performantes, la distance de sécurité passe alors à 20 mètres.

L’Anses réclame aussi aux détenteurs d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces produits de fournir, « d’ici au 30 juin 2024 », des données sur l’impact de ces nouvelles préconisations d’emploi. Faute de quoi « les autorisations seront retirées sans aucun délai », avertit l’Agence.

Si elle salue l’adoption de ces mesures, l’association Générations Futures interroge « leur efficacité réelle » : « Comment la mise en place de ces décisions sera-t-elle contrôlée ? Est-on certain que la distance de 20 mètres suffira à faire diminuer suffisamment l’exposition des riverains ? », questionne-t-elle dans un communiqué. Et, concernant les études demandées aux industriels, « quelles garanties de leur impartialité pourrons-nous avoir ? », poursuit l’association.

Au niveau européen, l'autorisation du prosulfocarbe a récemment été prolongée jusqu'à fin janvier 2027, le temps pour l’État chargé de réévaluer le produit, le Portugal, de terminer son travail. « Cette prolongation au niveau européen de plusieurs années du prosulfocarbe, un pesticide posant tant de problèmes, sans nouvelle évaluation, est tout simplement scandaleuse », s’insurge François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. Et de réclamer le retrait des AMM des produits contenant du prosulfocarbe « le plus vite possible ».

*Les méthodes d’estimation de l’exposition ont été réactualisées en 2022 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour renforcer davantage la protection des résidents et des personnes présentes.

E.B. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr