Le Pr Henri Joyeux écope de deux ans d'interdiction d'exercice pour ses positions antivax

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Publié le 11/09/2023
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Crédit photo : Phanie

Après huit années de procédure, la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins a condamné le Pr Henri Joyeux à deux ans d'interdiction d'exercice de la médecine à partir du 1er janvier 2024.

Cette décision publiée le 1er septembre, dont « Le Quotidien » a eu connaissance,  sanctionne plusieurs prises de position tenues en 2014 et 2015 par le cancérologue, spécialiste en chirurgie viscérale et digestive, contre les vaccins DT polio, hépatite B et le projet de vacciner les enfants à partir de 9 ans contre le papillomavirus. « En critiquant de manière alarmiste, sans s’appuyer sur des données acquises de la science, les préconisations du ministère de la Santé sur l’administration du vaccin contre l’hépatite B et du vaccin hexavalent et l’avis sur la vaccination contre le papillomavirus émis par le Haut Conseil de la santé publique », le Pr Joyeux a manqué à ses obligations déontologiques.

Deux pétitions en ligne de mire

Au centre du litige, deux pétitions publiées en 2014 et 2015. En octobre 2014, le Pr Joyeux s'élevait sur un site internet d’une association consacrée à la protection de la santé naturelle contre une recommandation du Haut conseil de la santé publique, jamais suivie par le gouvernement, préconisant d'abaisser de 11 à 9 ans l'âge de la vaccination contre le papillomavirus pour les filles. Sur ce site, il écrivait alors que cette décision était « le résultat du lobbying des labos pharmaceutiques internationaux », que les vies de « nos enfants valent mieux que leurs profits », ou encore que les deux vaccins comportaient des effets indésirables graves, qu’ils ne protégeaient qu’à 70 % contre le cancer du col de l’utérus. Une pétition avait été lancée demandant un moratoire.

Puis en 2015, le médecin avait envoyé des messages à de nombreux confrères concernant, d’une part, le vaccin contre l’hépatite B « qui provoquerait la sclérose en plaques » et, d’autre part, le vaccin DT polio. Ces messages les incitaient à ne pas soutenir « l’imposture scientifique » et les alertaient sur les additifs neurotoxiques et cancérigènes que contiendrait le vaccin hexavalent injecté à la place du vaccin DT Polio dans sa formule antérieure.

Preuves

Sur son blog, le Pr Joyeux avait fait allusion à « des poisons injectés non pas à des adultes mais à « des nourrissons directement dans le sang » et il avait relayé ses propos dans une vidéo disponible sur le site internet de l'association. Une autre pétition hostile au vaccin hexavalent avait recueilli plus d’un million de signatures.

Dans ces campagnes publiques, « le Pr Joyeux ne s’est pas opposé à l’application de dispositions législatives ou réglementaires en matière de vaccination », a reconnu la chambre disciplinaire, « dès lors qu’aucune obligation vaccinale contre le papillomavirus, contre l’hépatite B ou contre des maladies autres que la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite n’existait à cette époque ». Mais, il lui incombait de « fournir les preuves de nature à justifier la pertinence de ses critiques », alors qu'il existait un large consensus international sur l'utilité de la vaccination précoce contre le papillomavirus et contre l'hépatite B, peut-on lire.

Pourvoi en cassation

Auditionné le 28 juin pour sa défense, le Pr Joyeux avait plaidé le fait qu'il s'exprimait en tant que « professeur des universités » et non pas en tant que médecin lorsqu'il s'était élevé contre les dangers du vaccin hexavalent. Un argument rejeté par la chambre disciplinaire nationale qui estime que « les prises de position sont détachables de toute activité universitaire ».

Quant au « droit de pétition » dont il s'est prévalu (un droit qui ne s'exerce en tout état de cause que dans le cadre de procédures législatives ou réglementaires), les juges ont considéré que le cancérologue n'avait pas agi « en tant que simple citoyen » en faisant « état de sa qualité de professeur des universités », avec sa forte notoriété.

Radié déjà une première fois en 2016 pour ces propos, avant que la décision ne soit annulée, le Pr Joyeux va-t-il déposer un nouveau recours auprès du conseil d'État ? Selon son avocat, Me Jean-François Jésus, le cancérologue a deux mois pour décider de se pourvoir en cassation.


Source : lequotidiendumedecin.fr