Perturbateurs endocriniens et grossesse : un consortium confirme l'effet de certains polluants sur la fonction thyroïdienne

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Publié le 10/11/2022
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Crédit photo : Garo/Phanie

Une nouvelle étude apporte de nouveaux éléments en faveur du lien entre l'exposition à des perturbateurs endocriniens et une perturbation de la fonction thyroïdienne chez les femmes enceintes. Ces travaux, parus dans « Environmental Health Perspectives », ont été menés par un consortium international coordonné par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes.

Les hormones thyroïdiennes jouent un rôle crucial pendant la grossesse sur le développement du fœtus. « Des variations, même faibles, des niveaux d’hormones thyroïdiennes de la mère pendant la grossesse peuvent impacter le fœtus et son développement », indique Claire Philippat, coordinatrice du consortium, dans un communiqué.

Après avoir identifié plusieurs polluants chimiques susceptibles de perturber la fonction thyroïdienne à l’aide d’une base de données répertoriant des tests toxicologiques in vitro, les chercheurs se sont intéressés en particulier à l'exposition à trois polluants couramment utilisés : le propyl-parabène (utilisé comme conservateur dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique), le bisphénol A (utilisé, entre autres, dans la fabrication de plastiques) et le phtalate de benzyle et de butyle (utilisé notamment dans les plastiques de type PVC).

Des dosages ont été réalisés dans les échantillons biologiques de 437 femmes enceintes, recrutées entre 2014 et 2017 à partir de la cohorte grenobloise Sepages, afin de comparer la présence des polluants dans les urines et les concentrations en hormones thyroïdiennes dans le sang.

L'exposition au bisphénol A associée à une baisse de la TSH

La présence de ces perturbateurs endocriniens a été retrouvée dans l'urine d'une majorité de participantes, confirmant une exposition généralisée de la population, et des taux anormaux d’hormones thyroïdiennes ont été mesurés.

Dans le détail, l’exposition au propyl-parabène était associée à une diminution des concentrations de T3 et celle au phtalate de benzyle et de butyle à une augmentation des concentrations de T4. « Par ailleurs, la conversion de la T4 en T3 semblait elle aussi affectée. Dans les deux cas, ces mécanismes donnaient lieu à des proportions anormales entre les deux hormones », est-il précisé dans le communiqué. Quant au bisphénol A, sa présence était associée à une diminution de la concentration en TSH.

« Les données des tests toxicologiques in vitro suggèrent que ces polluants pourraient agir sur les mécanismes régissant la synthèse et la dégradation des hormones thyroïdiennes, précise Claire Philippat. Le phtalate de benzyle et de butyle et le bisphénol A pourraient notamment inhiber l’incorporation de l’iode – élément indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes – dans les cellules de la thyroïde. »

Ces résultats apportent ainsi de nouvelles données sur les effets délétères de certains polluants sur la fonction thyroïdienne. « Ils alertent notamment sur l’exposition fréquente de la population à ces polluants et invitent à poursuivre les recherches sur les conséquences sur la santé de l’enfant », a souligné la chercheuse. Avec son équipe, elle poursuit ainsi ce travail afin d'évaluer l'impact potentiel de ces perturbations de la fonction thyroïdienne sur le neurodéveloppement et la croissance des enfants.


Source : lequotidiendumedecin.fr