Pr Christèle Gras-Le Guen (SFP) : « Le Covid-19 n’est pas une maladie pédiatrique »

Publié le 04/09/2020
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Pour le Pr Christèle Gras-Le Guen, la chose est entendue : le Covid-19 ne concerne que très rarement l’enfant. Celui-ci développe surtout des formes bénignes et contribue à la marge à la transmission de la maladie. Alors que certains médecins jugent le dispositif sanitaire déployé à l’école insuffisant, la secrétaire générale de la Société française de pédiatrie (SFP) se montre rassurante et appelle à ne pas pénaliser les enfants par une surenchère de mesures injustifiées.

Crédit photo : DR

La Société française de pédiatrie a récemment publié un communiqué très rassurant quant au danger du SARS-CoV-2 chez les enfants et leur rôle dans la transmission du virus. Pourquoi cette initiative ?

Pr Christèle Gras-Le Guen : Avec la rentrée des classes et plus généralement le retour des enfants en collectivité, il y avait beaucoup d’interrogations et d’inquiétude émanant des parents, des enseignants mais aussi de certains médecins. Cela nous a donc paru justifié de faire une mise au point qui tienne compte à la fois des observations que l’on a pu accumuler en France depuis mars, de la littérature internationale et des expériences d’autres pays. Nous avons maintenant une meilleure connaissance du virus et de son épidémiologie, qui permet de rassurer et d’appréhender cette rentrée et le retour des enfants en collectivité dans un contexte très différent du climat de stress des premiers mois.

Peut-on dire aujourd’hui que le Covid-19 est une maladie bénigne chez l’enfant ?

Pr C. G.-Le G. : Ce que l’on peut dire, et c’est confirmé par l’ensemble des pays qui ont publié au fur et à mesure que le virus a progressé, c’est que cette maladie n’est pas une maladie pédiatrique. L’enfant est très peu concerné, il s’infecte moins que l’adulte et le cas échéant, développe dans l’immense majorité des cas des formes bénignes, voire asymptomatiques. Selon les chiffres rapportés notamment par le réseau Activ, les moins de 18 ans (qui constituent 20 % de la population française) représentent en France 1,5 % des cas et à peine 0,2 % des cas hospitalisés. C’est vraiment très marginal.

On a eu, c’est vrai, quelques frayeurs lorsqu’on a découvert que certains enfants développaient, 3 à 4 semaines après l’infection, ce fameux syndrome de Kawasaki, avec des hospitalisations en réanimation pour certains d’entre eux. Mais aujourd’hui, nous n'avons plus d’inquiétude. Ces cas sont mieux connus, mieux identifiés et bénéficient d’un traitement efficace qui permet dans l’immense majorité des cas une guérison rapide.

Les enfants porteurs de comorbidités sont-ils plus vulnérables que les autres ? Certaines pathologies sont-elles à risque ?

Pr C. G.-Le G. : C’est une des particularités du virus : il n’a pas été observé de fragilité ou de vulnérabilité particulière chez les enfants porteurs de maladie chronique, contrairement à la grippe par exemple. Pour le moment, il n’y a donc pas d’inquiétude concernant ces enfants. L’adolescente qui est décédée en Île-de-France n’avait pas de comorbidités particulières. Quant à l’enfant qui est mort des suites d’un Kawasaki en région marseillaise, il avait une pathologie qui, en soi, n’était pas un terrain fragilisant, mais qui a rendu l’expression des symptômes plus difficile.

La SFP est aussi rassurante concernant la contagiosité des enfants et leur rôle dans la transmission du virus…

Pr C. G.-Le G. : Oui, car les données collectées au fil des mois montrent que dans les clusters, les enfants sont très rarement en cause. Dans la grande majorité des cas, ils sont contaminés par des adultes et non l’inverse. Quant aux transmissions d’enfant à enfant, elles sont exceptionnelles.

Il y a eu cet été une publication du Jama pédiatrics qui a un peu fait frémir en montrant, sur 145 patients infectés, que la charge virale était plutôt plus élevée chez les moins de 5 ans que chez leurs aînés. Certains en ont conclu que les enfants étaient plus contaminants que les adultes mais ce n’est pas ce que montraient ces résultats, ni ce qu’on constate dans les faits.

Pour vous, le retour à l’école des enfants ne pose donc pas de problème ?

Pr C. G.-Le G. : Il n’y a pas de danger pour les enfants ni pour leurs enseignants à reprendre l’école. Et même pour les enfants porteurs de pathologie chronique, le rapport bénéfice-risque penche fortement en faveur de leur scolarisation, en prenant toutefois des précautions dans certains cas.

Il est absolument indispensable que tous les enfants retournent à l’école pour leur acquisition scolaire mais aussi pour les interactions et les apprentissages de vie en société. Ce serait quand même très injuste que cette maladie, qui ne concerne pas l’enfant, lui fasse subir ses conséquences.

Il faut que la rentrée se fasse dans un climat de confiance, avec une vigilance collective bien évidemment. À ce titre, la SFP a fait plusieurs propositions pour une approche pragmatique du Covid-19 en milieu scolaire, compatible avec une scolarité régulière et présentielle des enfants, avec des indications de test ciblées (lire l'encadré ci-dessous) pour ne pas les multiplier inutilement.

Ce week-end, un collectif de médecins a appelé à durcir le protocole sanitaire prévu par l'Éducation nationale pour les écoles. Cela vous semble-t-il justifié ?

Pr C. G.-Le G. : J’ai été très étonnée en lisant la prise de position de ce collectif, que nous ne partageons absolument pas au sein de la communauté des médecins et des soignants de l’enfant. Je n’ai pas compris leur inquiétude ni sur quoi elle était fondée.

Quels enfants tester ?

Alors que la tendance actuelle est à encourager la réalisation de test au moindre doute de Covid, la SFP prône une approche plutôt moins disante pour les enfants avec « des indications adaptées à la faible contribution de l’enfant dans la transmission de l’infection ».

Ainsi, si tout enfant exposé à son domicile doit bénéficier d’un test avant son retour en collectivité, en dehors de ce contexte, « un dépistage systématique de formes asymptomatiques chez les enfants en collectivité est inutile, du fait du faible rôle transmetteur des enfants ».

De même, si en cas de symptômes évocateurs (toux, et/ou fièvre, et/ou troubles digestifs) tout enfant ou adolescent de plus de 6 ans doit avoir un test de dépistage avant le retour en collectivité (sauf diagnostic de certitude pour une autre maladie infectieuse), chez les moins de 6 ans « la grande fréquence des infections virales pendant l’hiver, associée à la faible transmissibilité de l’infection à SARS-CoV2 par les jeunes enfants, doit faire réserver les indications de PCR aux formes hospitalisés, ou suffisamment sévères pour justifier des explorations complémentaires, aux enfants ayant eu un contact avéré avec un cas COVID + et à ceux en contact à leur domicile avec des personnes considérées à risque pour SARS-CoV2 ou en cas de symptômes ne s’améliorant pas après 3 jours ».

Propos recueillis par Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr