Pr Olivier Saint-Lary (CNGE)

Coronavirus : « Les masques chirurgicaux semblent apporter une protection satisfaisante »

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Publié le 13/03/2020
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Pr Olivier Saint-Lary

Pr Olivier Saint-Lary
Crédit photo : GARO/PHANIE

Approuvez-vous les mesures annoncées hier par Emmanuel Macron pour limiter la diffusion du coronavirus ?

Pr Olivier Saint-Lary* : Il est toujours difficile de se positionner sur la suite d'une épidémie car c'est faire un pari sur l'avenir. Mais compte tenu des données dont nous disposons aujourd'hui, les décisions sont adaptées. La précocité de la réponse intense des mesures barrières peut permettre de diminuer le pic épidémique et peut-être de ne pas saturer le système de santé, notamment l'accès aux respirateurs à l'hôpital. À l'étranger, le difficile accès à ces appareils a pu accroître le taux de mortalité. Éviter les déplacements quand c'est possible, protéger les personnes de plus de 70 ans qui sont les plus à risque, l'âge étant un facteur majeur de mortalité comme l'a montré une récente étude du Jama**... les mesures annoncées par le président de la République sont adaptées et devront être réévaluées en fonction de l'évolution de l'épidémie.

Devant la pénurie de masques FFP2, le ministère de la Santé a modifié ses consignes de protection des médecins libéraux contre le coronavirus. Il leur recommande, en cas de contact avec un patient présentant des symptômes grippaux, de porter un masque chirurgical, de même que ce patient. Que pensez-vous de cette étude du Jama sur laquelle reposent les nouvelles consignes ?

Pr O. S.-L. : J'ai lu avec attention cette étude qui porte sur la grippe. On ne peut pas avoir d'études qui portent in vivo sur le coronavirus compte tenu du calendrier. Nous nous appuyons donc sur les éléments dont nous disposons. Le coronavirus n'est bien évidemment pas le virus de la grippe. Mais il n'empêche que cette étude est plutôt rassurante sur la protection conférée par les masques chirurgicaux. Il semble, selon les données de la littérature dont j'ai pu prendre connaissance, que la contamination par le coronavirus se fasse beaucoup plus par gouttelettes que par aérosols. Et dans ce cadre, les masques chirurgicaux semblent apporter une protection satisfaisante, probablement assez proche des masques FFP2 qui protégeraient mieux lorsqu'il y a contamination par aérosols. Compte tenu des faibles réserves des masques FFP2, je comprends la position de la DGS et que les FFP2 soient réservés aux confrères hospitaliers qui sont amenés, en réanimation, à prendre en charge les patients les plus graves (intubés, par exemple). D'autant que le principe du double masque chirurgical (pour le patient suspect et le praticien) et une hygiène régulière entre chaque patient, permettent de limiter nettement les risques de contamination. 

Les masques sont justement rationnés pour les Français et les professionnels de santé de ville. Que préconisez-vous ?

Pr O. S-. L. : Nous demandons au ministère de la Santé que des masques chirurgicaux soient mis à disposition de tous les médecins. Nous souhaitons que tous les étudiants, externes et internes, qui seront amenés à prendre en charge des patients soient aussi équipés en masque pour être protégés et ne soient pas des vecteurs de contamination.

Les médecins retraités sont appelés en renfort pour faire face à la crise. Ces praticiens étant âgés et donc à risque, quel rôle pourraient-ils tenir, selon vous ?

Pr O. S-. L. : Le CNGE n'est pas le mieux placé pour en parler mais il est évident que les personnes de plus de 70 ans étant les plus à risque, il faut réfléchir à ce que leur exposition soit la moindre possible, qu'ils puissent se rendre utiles sans se mettre en danger. Mais ce n'est pas à nous de nous prononcer. 

Avec le passage imminent en phase épidémique (stade 3), les généralistes vont prendre en charge davantage de coronavirus en charge. Sont-ils suffisamment informés sur la marche à suivre ?

Pr O. S.-L. : Jusqu'à présent, en phase 1 et 2, les médecins généralistes n'étaient pas en première ligne du dispositif. Maintenant qu'ils le sont, nous travaillons ardemment en collaboration avec le collège de la médecine générale et le Pr Pierre-Louis Druais (membre du conseil scientifique chargé d'éclairer la décision publique sur le coronavirus) sur des recommandations de prise en charge des cas de coronavirus en médecine générale qui devraient sortir sous peu et que nous souhaitons les plus opératoires possibles.

On dispose de peu de données sur le Covid en ambulatoire, des confrères s'en plaignent. Le CNGE va lancer une enquête avec des structures partenaires, lundi, qui fera le point sur l'organisation des cabinets et leur capacité à se mobiliser pour répondre à cette crise. Certains ont la chance d'avoir plusieurs salles d'attente ou réservent l'accueil de patients sur certains créneaux horaires, par exemple. On va pouvoir le quantifier et savoir combien de médecins cela concerne. On travaille activement sur ce sujet. Il y a une dynamique pour partager un maximum d'informations entre confrères sur ce sujet pour le bien commun.

* Le Pr Saint-Lary est président du Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE)
** Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study Fei Zhou, MD Ting Yu, MD Ronghui Du, MD Guohui Fan, MS Ying Liu, MD Zhibo Liu, MD et al., étude publiée le 11 mars 2020


Source : lequotidiendumedecin.fr