En France, la plupart des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) présentaient des facteurs de risque, qui auraient dû amener à prescrire une prophylaxie préexposition (Prep). Deux nouveaux chapitres de recommandations sur la prescription de la Prep et du traitement préventif post-exposition (TPE) ont été publiés en août 2024, sous l’égide du Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS), de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – Maladies infectieuses émergentes et de la Haute Autorité de santé.
Le groupe de travail tenait à élargir l’accès à la Prep, un outil de santé publique extrêmement efficace, à tous ceux qui en ont besoin ; à simplifier encore le parcours de soins ; à déconstruire les préjugés autour des traitements préventifs et à renforcer le pouvoir décisionnel des patients.
Le CNS préconise d’élargir la diffusion de la Prep auprès des femmes originaires d’Afrique subsaharienne et aux mineurs, de développer les actions de médiation en santé et d’améliorer l’accès à l’aide médicale d’Etat (AME). Il recommande d’autoriser les sages-femmes ou d’autres professionnels de santé à prescrire ce traitement prophylactique.
Une décision partagée et un parcours simplifié
L’agence de santé demande que toute personne à surrisque d’exposition puisse bénéficier de la Prep, ainsi que quiconque en demande, même sans risque identifié. « La décision de prescrire doit être partagée entre le patient et le médecin, en tenant compte de la perception personnelle du risque par le patient. Toute personne qui s'estime à risque doit être considérée comme telle », exhorte le Dr Cédric Arvieux, infectiologue au CHU de Rennes et pilote du groupe de travail. Et d’ajouter : « Les obstacles à la Prep aujourd’hui sont d’ordre psychologique : les patients peuvent avoir des difficultés à aborder leur sexualité et leur situation de risque réel en consultation. »
Toute personne qui s’estime à risque doit être considérée comme telle
Dr Cédric Arvieux, service des Maladies infectieuses au CHU Rennes
Les recommandations proposent de simplifier la surveillance de la Prep. Lors de la primoprescription, seul est nécessaire un bilan de créatinine pour le ténofovir disoproxil fumarate ; et il faut s’assurer d’une non-contre-indication aux injections intramusculaires pour le cabotégravir (CAB).
L’intervalle de suivi doit être personnalisé, de trimestriel à annuel, en fonction des habitudes du médecin ou des angoisses du patient. Le Dr Arvieux invite à ne « pas être dogmatique ». « Parfois nous sommes trop rigoureux alors qu’il n’est pas nécessaire de faire des bilans plus fréquents que pour une personne sous antirétroviraux », ajoute-t-il. Attention toutefois au suivi sous CAB. Le CNS rappelle qu’au vu de la lenteur de séroconversion, il est important de surveiller la charge virale et non les anticorps, à un rythme adapté aux injections pour ne pas alourdir le parcours de soins.
Après de nombreuses discussions dans le groupe de travail, a été préconisée une bascule sur un TPE à la suite d’une exposition en cas d’interruption du schéma de Prep, mais le Dr Cédric Arvieux plaide la souplesse. « Je suis partisan d’utiliser le comprimé de Prep en lieu de TPE car aucun argument ne justifie que le traitement post-exposition soit une trithérapie. Cela simplifie par ailleurs le parcours de soins », revendique-t-il.
Le TPE : une porte d’entrée vers la Prep
En France, la majorité des personnes séropositives suivies ont une charge virale indétectable, empêchant ainsi la transmission. Le « réservoir de risque » est donc essentiellement constitué des personnes qui ignorent leur statut. Le TPE est particulièrement recommandé dans les cas où le risque d’exposition est élevé, comme les rapports anaux non protégés avec des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ou des personnes transgenres. Étant très bien toléré, « il n’y a pas lieu de le refuser à une personne qui l’estime indispensable pour sa santé, après lui avoir exposé la balance bénéfice-risque du traitement ».
Si le TPE est un outil de santé publique peu efficace (le Dr Arvieux le qualifie de « béquille »), il reste important pour certains patients et peut même être une porte d’entrée vers la Prep. Il est rare qu’une prise de risque reste unique dans la vie du patient. Aussi est-il conseillé de proposer la prise de la Prep à la suite du TPE.
Le groupe de travail propose enfin des évolutions réglementaires afin qu’en situation d’urgence ce traitement puisse être plus accessible. Ils suggèrent la délivrance de starter kits (3 à 5 jours de TPE, en attendant un rendez-vous médical) par les infirmières d’accueil et d’orientation aux urgences, en milieu communautaire, ou encore directement à l’officine en s’inspirant du circuit existant pour la contraception d’urgence. Des expérimentations sont par ailleurs en cours auprès des associations habilitées à faire des Trod, pour inclure les starter kits TPE dans les services qu’ils proposent.
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