Gonarthrose

Visco-supplémentation, un faux procès ?

Publié le 09/12/2016
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Alors que le déremboursement des injections d'acide hyaluronique pourrait bientôt être effectif, les rhumatologues dénoncent un faux procès basé sur des données controversées.
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

En septembre l'Aflar avait protesté contre le déremboursement annoncé de la visco-supplémentation et lancé une pétition pour s’y opposer. Trois mois plus tard, ce sont les professionnels de la rhumatologie qui montent au créneau. Le Conseil National Professionnel de Rhumatologie – qui fédère sociétés savantes, syndicats et association de FMC de la discipline — vient en effet de publier un communiqué dénonçant « une mesure inique pour les patients ».

L’organisation professionnelle s’inquiète « d’une éventuelle décision que pourrait prendre Madame la Ministre de la Santé de radier de la liste des spécialités remboursables les acides hyaluroniques (AH) injectables dans l’arthrose du genou ».

Après réévaluation de ces dispositifs médicaux, la Cnedimts (la commission de la HAS qui réalise l’évaluation en vue de leur remboursement des dispositifs médicaux et des technologies de santé) s’est en effet prononcée une nouvelle fois en faveur de leur déremboursement.

Pour justifier cette décision, « les autorités sanitaires se sont appuyées sur une littérature qui fait désormais controverse » dénonce le Dr Pierre Monod, président du Conseil National Professionnel de Rhumatologie. L’interprétation « à charge » de la méta analyse de Rutjes publiée en 2012 est particulièrement pointée du doigt. Dans ce travail portant sur 89 études (soit 12 667 patients), les auteurs retrouvent une quantité d’effet modérée de la viscosupplémentation sur la douleur de -0,37 (soit -9 mm sur une échelle visuelle analogique de 100 mm). Ce résultat, à la limite de la valeur minimale définie a priori comme cliniquement pertinente, « aurait dû logiquement conduire les auteurs à conclure favorablement à l’efficacité des AH contrairement à ce qu’ils ont écrit » souligne Emmanuel Maheu (Rhumatologue, hôpital Saint Antoine, Paris) dans un article paru en octobre dans la revue « réflexions Rhumatologiques ».

Par ailleurs, dans une récente revue systématique de toutes les méta-analyses publiées sur le sujet et répondant au critère de qualité Prisma, Xing et al. concluent « que les meilleures preuves actuelles suggèrent que les AH sont une option effective dans le traitement de la gonarthrose sans augmentation du risque d’événements indésirables ».

Enfin plusieurs selon l'argumentaire du Dr Maheu, publications récentes suggèrent que l’utilisation d’AH permet de différer le recours à la prothèse.

Au-delà de ce « faux procès », le Conseil National Professionnel de Rhumatologie pointe aussi les risques d’un report des prescriptions « vers des traitements plus dangereux, plus coûteux pour l’assurance maladie et moins efficaces » et dénonce « l’injustice d’un déremboursement réservant ce traitement à ceux qui en auront les moyens ».

Dr Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr