Le rapport de la mission Villani sur l'intelligence artificielle (IA) remis ce mercredi au gouvernement comprend plusieurs recommandations pour soutenir le développement des technologies d'IA dans le secteur de la santé, identifié comme l'un des quatre champs prioritaires où la France doit concentrer ses efforts économiques et industriels. Le Président de la République doit annoncer ce jeudi la stratégie privilégiée par le gouvernement dans ce domaine. 1,5 milliard d'euros de crédits publics sur l'ensemble du quinquennat seront consacrés à l'IA. « L'intelligence artificielle ne substituera pas aux médecins et aux chercheurs», a lancé Emmanuel Macron lors de son discours au Collège de France.
Sur demande du gouvernement, le mathématicien et député de l'Essonne (LREM) Cédric Villani a planché six mois pour élaborer un document dense de près de 250 pages. Une quinzaine de propositions concernent directement le déploiement de l'intelligence artificielle dans la médecine et la santé.
Prédiagnostic médical, stratégie thérapeutique, personnalisation des traitements, suivi prédictif du développement d'une pathologie, aide à l'orientation dans le parcours de soins, gestion des flux hospitaliers, recherches clinique et fondamentale… L'utilisation de l'IA en santé est protéiforme.
Ouvrir les données de la Sécu
Le lauréat 2010 de la médaille Fields propose de lancer un nouveau chantier spécifique IA accompagnant le dossier médical partagé (DMP). Le DMP serait alors « élargi comme un espace sécurisé où les individus pourraient stocker leurs données, en ajouter d’autres eux-mêmes, autoriser leur partage à d’autres acteurs (médecins, chercheurs, membres de l’entourage, etc.) et les récupérer pour en créer d’autres usages ».
Pour développer le potentiel de l’IA en santé, la France doit se doter d'une plateforme d’accès et de mutualisation des données pour la recherche et l’innovation en santé (regroupant dans un premier temps les données médico-administratives, puis les données génomiques, cliniques, hospitalières…). Cet outil aura vocation à se substituer à terme au socle du système national des données de santé, pépite qui comprend 20 milliards de lignes de prestation articulées avec la base de données de programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) de la Sécu. Ce système « unique au monde » doit s'ouvrir pour mieux être exploité au service de l'innovation, plaide le mathématicien.
Dans la même veine, Cédric Villani propose de « développer une offre lisible d’accès aux bases de données hospitalières ». « Les hôpitaux héritent, disposent ou se constituent de bases de données moléculaires et d’annotation cliniques, lit-on. Il serait bénéfique d’inciter les hôpitaux à organiser des data science bowl ou challenges autour des jeux de données. »
Réformer les études médicales
Le scientifique s'intéresse également aux voies d'accès aux études médicales, qu'il souhaite « transformer », afin de diversifier les profits et intégrer plus d'étudiants spécialisés dans l'informatique et l'IA (création de double cursus, reconnaissance d'équivalence). Selon lui, il s'agit aussi de « mettre un terme à la logique de compétition tout au long du cursus universitaire qui s’avère contre-productive pour développer une coordination transdisciplinaire et structurer les postures d’autorité médecins – patients ».
Sans surprise, il milite pour une meilleure formation des médecins et autres professionnels de santé aux usages de l'IA, de l'internet des objets et du big data. « Cette transformation de la formation initiale pourrait avoir lieu dans la réforme en cours du premier et deuxième cycle de médecine », préconise-t-il.
Dernier point d'importance : l'IA nécessite de « clarifier la responsabilité médicale des professionnels de santé ». « En l’absence de la reconnaissance d’une personnalité juridique autonome pour l’algorithme et le robot, il serait envisageable de tenir le médecin pour responsable de l’utilisation des programmes, algorithmes et systèmes d’intelligence artificielle, sauf défaut de construction de la machine. »
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