Économies, rapidité du dépistage, gestion des flux aux urgences, suppression de tâches répétitives : une étude souligne les impacts de l'IA en médecine

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Publié le 01/12/2021
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Crédit photo : Phanie

Mieux interpréter une IRM, faciliter le suivi des complications post-chimiothérapie, optimiser les flux de patients aux urgences… L’intelligence artificielle (IA) déploie ses applications en médecine depuis le début du siècle, avec pour promesse une meilleure efficacité de l’acte médical. Mais elle est aussi parfois perçue comme un risque de voir des praticiens remplacés progressivement par des algorithmes.

Pour évaluer concrètement l’impact de l’IA en médecine, la société Iqvia, experte des données de santé, a passé au crible une trentaine d’applications grâce un panel d’experts cliniciens, pour tenter de dégager les bénéfices économiques, médicaux et organisationnels de l'IA.

Quatre algorithmes sont apparus particulièrement représentatifs : Moovcare, qui permet de suivre les risques de rechute en cas de cancer du poumon, Annotate, logiciel de contourage des tissus avant une radiothérapie, OphtAI, solution de dépistage des rétinopathies diabétiques et, Calyps, qui permet d'anticiper les flux de patients aux urgences, avec cinq jours d’avance. Après analyse, le constat d'Iqvia est sans appel : oui, l’intelligence artificielle permet « d’améliorer le diagnostic, le vécu des patients, la qualité des soins et de dégager un bénéfice économique », souligne Stéphane Sclison, responsable du projet pour Iqvia. 

Réduire les erreurs

Alors que la radiologie est l’un des champs d’application de l’IA les plus vastes, Annotate permettrait, selon Iqvia « de diminuer les erreurs, avec une marge de progression de 10 à 30 % par rapport au traçage classique avant une radiothérapie, c’est considérable », avance Stéphane Sclison. Une appli qui jouit également d’une plus grande rapidité dans l’acte médical, avec un temps moyen de contourage de 7 minutes, contre 81 minutes manuellement.

Même constat du côté d’OpthAI qui réduit le délai d’interprétation d’un cliché rétinien de 7 jours à 3 secondes. L’application permettrait également, toujours selon l’étude, d’éviter jusqu’à 20 % des cécités chez les patients diabétiques au bout de trois ans d’utilisation. Une chance pour les malades donc, mais aussi une aubaine pour l’Assurance-maladie : ces cécités évitées engendreraient 1,5 million euros d’économies sur trois ans.

Des économies de plus d'un milliard d'euros par an

« L’IA dégage un bénéfice économique important », confirme Stéphane Sclison. Preuve en est : une utilisation élargie (par 44 % des hôpitaux) de l‘application de gestion des flux des patients aux urgences ferait économiser 1,3 milliard d’euros par an sur les hospitalisations, avec une réduction du temps d’attente de plus de 15 minutes par patient. Du temps et de l’argent donc, qui pourraient être mis à disposition des médecins grâce aux algorithmes. « L’IA ne prend pas la place du médecin, mais finirait surtout par lui rendre la place qui est la sienne en lui permettant de se libérer des tâches répétitives », avance Stéphane Sclison.

Patrick Errard, président de l’association des laboratoires japonais en France (LaJaPF) et de la commission Innovation du Medef, partenaire de l’étude, va jusqu'à y voir une ubérisation « vertueuse » de la médecine. « Avec l’intelligence artificielle, des actes médicaux pourront être déplacés vers des personnes qui ne sont pas professionnels de santé, suggère-t-il. Par exemple, on n’aura plus besoin d’un médecin pour détourer une tumeur sur une image, un technicien formé pourra le faire à sa place ». Si l’affirmation a de quoi faire grincer les dents de certains confrères, Patrick Errard se veut rassurant. « Les médecins peuvent y voir un danger, moi au contraire je pense que c’est un avantage : lui redonner du temps utile auprès du malade, en lieu et place d’un temps technique et administratif qui est épouvantablement chronophage », plaide-t-il.

Points de vigilance

Derrière cette étude, les intervenants ne cachent pas un « enjeu politique » à l'approche de la présidentielle. « Les politiques vont devoir s’interroger sur comment intégrer ces évolutions numériques dans notre système de soins », ajoute Patrick Errard. « À l’horizon de 15 ans, je n’imagine pas un cabinet de généraliste qui ne soit pas équipé d’un logiciel d’analyse d’image utilisant l’IA », poursuit pour sa part Nicolas Bouzou, économiste, essayiste et directeur fondateur d’Astérès, qui entend sortir de « l’artisanat de la médecine ». Le tout en intégrant une logique complémentaire entre l’homme et la machine. « Un généraliste ne va voir que deux ou trois cancers du côlon par an, tandis qu'un algorithme va en analyser des millions », rappelle-t-il.

Reste de nombreux signaux de vigilance. À commencer par « la responsabilité du soignant en cas d’erreurs, c'est un sujet qui doit être éclairci », admet Stéphane Sclison. La formation aux nouvelles technologique sera cruciale pour les professionnels de santé, alors que seulement 10 % des internes sont formés à la télémédecine.

Enfin, « pour fonctionner, l’IA devra absolument être développée en coconstruction avec les patients et les soignants et ne pas venir s'ajouter à des systèmes informatiques déjà existants », suggère Stéphane Sclison, fort des résultats de l'étude.


Source : lequotidiendumedecin.fr