Quelques minutes de reportage au journal de 20h sur France 2, le 21 février, ont suffi à faire réagir vivement des médecins libéraux sur les réseaux sociaux.
Réalisée en caméra cachée, la séquence est censée illustrer un sujet sur l’augmentation de 8 % des arrêts maladie, en janvier 2018 par rapport à janvier 2017, une hausse qualifiée d’« explosion inquiétante », le coût annuel des arrêts maladie « frauduleux » s’élevant à 196 millions d’euros, rappelle le reportage. En cause ? « La prescription de certains médecins », ose le reportage pour donner le ton.
Le téléspectateur suit les consultations du journaliste chez deux médecins généralistes parisiens, sélectionnés « au hasard ». À l'exposé de ses symptômes (fatigue, maux de tête, courbatures, etc.) et après une consultation de 20 minutes, il se voit prescrire deux arrêts maladie, respectivement de 24h et 48h... Deux arrêts « facilement obtenus », avance le journaliste qui pose la question : « Sont-ils pour autant abusifs ? »
Le président de la FMF tempère
Seul médecin interrogé – plus précisément sur le « barème » de la CNAM qui a mis en place des fiches repères sur les IJ avec durées de référence –, le président de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Paul Hamon, fait valoir que de nombreux patients ne se soumettent pas aux arrêts maladie prescrits et « refusent » de s'arrêter. Mais la conclusion du reportage sonne comme une mise en garde : « Pour lutter contre cette fraude, le gouvernement a décidé d'intensifier les contrôles dans les prochains mois. »
Les médecins sont-ils complaisants et responsables de l'augmentation actuelle des IJ maladie ? Le propos du reportage est tempéré par une analyse en plateau. La hausse du nombre d’arrêts maladie s’explique par plusieurs facteurs. La « reprise du marché de l’emploi » d’abord, le recul de l’âge de la retraite ensuite et la hausse du nombre de seniors actifs, plus souvent malades, ou encore l’augmentation des « troubles psychosociaux » multipliés par 7 en 5 ans . Le journaliste rappelle également que 20 % des arrêts maladie prescrits par les médecins ne sont pas suivis par les patients.
« Salaud de toubib »
Les réactions des médecins n’ont pas tardé. Sur le réseau social Twitter, ils dénoncent la stigmatisation facile de la profession.
INCROYABLE :quand il me dit «je tousse, j’ai de la fièvre à la maison, je suis épuisé, j’ai pas dormi de la nuit et j’ai des courbatures» je crois mon patient !
— (((B.Beaulieu))) (@BeaulieuBap) 21 février 2018
Le détecteur de mensonge intégré au stéthoscope existe-t-il ?
NON
Alors foutez-nous la paix avec vos reportages bidons https://t.co/RCQ8vQwwlp
C'est une blague ? Vous voulez quoi, un monde où on vous laissera crever tant qu'on n'aura pas la preuve que vous avez une septicémie ? Et demain vous sortirez un sujet sur "les méchants généralistes ne savent pas reconnaître le burn-out"? #LaquaisDeMerde
— Christian Lehmann (@LehmannDrC) 21 février 2018
Si ça trouve ce salaud de toubib qui grève les comptes publics a même pas coupé la parole au patient avant les 23 secondes habituelles ! Sinon il se serait pas laisser embobiner ! #reflechiscommeunjournalistedeFrance2 pic.twitter.com/e3c5gLKQB0
— Dr Franck Chaumeil (@FranckChaumeil) 21 février 2018
D’autres remettent en question le manque de déontologie du reportage ou jugent la mise en scène plus proche du spectacle que de l’information.
Gros doute déontologique sur ce reportage au #20H de @France2tv : consulter deux médecins en se faisant passer pour un malade pour avoir un arrêt de travail... Quelle est l'intérêt de cette séquence pour le public ? cc @JulianBugier pic.twitter.com/0WQgNAbOB0
— Nils Wilcke (@paul_denton) 21 février 2018
Une intervention de l’Ordre des médecins auprès du CSA est même réclamée.
le JT de france 2 @20hFrance2 en caméra caché chez le médecin généraliste en pleine épidémie, le but : remettre en cause notre métier ; je demande une intervention de @ordre_medecins auprès du @csaudiovisuel. @totomathon https://t.co/xvweX5SPAj RT
— Le Flohic (@DrGomi) 21 février 2018
Quant au Dr Jérôme Marty, président de l'UFML Syndicat, il ne cache pas son exaspération.
Et donc le MG apres un examen de 20 mn donne un arrêt de travail de .... 24 h , suit un autre MG qui propose 3 jours ... Donc ... au final, rien , mais les mots auront été prononcé : des médecins abusent, ils prescrivent trop d’arret de travail!
— DrMartyUFML (@Drmartyufml) 21 février 2018
A cet instant on a envie d’hurler
Mais putain France 2 , une vrai enquête serait surement de comparer le niveau de chomage et de précarité, d’analyser l’impact des épidémies et surtout de se poser LA question : c’est quoi un arrêt de travail?
— DrMartyUFML (@Drmartyufml) 21 février 2018
C EST QUOI UN ARRET DE TRAVAIL ?
Tu crois quoi France 2?
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