Des patients branchés

Les applications de la rhinite allergique

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Publié le 19/11/2018
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Depuis quelques années, avec la diffusion mondiale des téléphones mobiles (ou smartphones), les nouvelles technologies se sont multipliées pour aider les patients à mieux gérer leurs symptômes et maladies chroniques à l’aide de diverses applications (app). En prenant l’exemple de la rhinite allergique, nous pouvons mesurer l’importance de ce phénomène, sa diffusion à de nombreuses pathologies et tenter d’en évaluer les conséquences.

En 2015-2016, Bousquet et coll. (1, 2) ont développé MASK-rhinite (Mobile Airways Sentinel Network) pour la gestion de la rhinite allergique et de ses nombreuses morbidités. En substance, il s’agit « d’un outil de technologie de l’information et des communications (TIC) centré sur le patient » qui « suit les bonnes pratiques médicales pour les maladies chroniques proposées par l’Union européenne et les recommandations proposées par le Parlement européen » (in 3).

Une application gratuite pour téléphone mobile ou « Allergy Diary » a été lancée dans 23 pays (Union Européenne, Argentine, Australie, Canada, Brésil, Mexique, Turquie, Suisse) en 16 langues. À la fin de l’année 2017, il y avait plus de 17 000 utilisateurs (3).

Les données sont enregistrées sous la forme d’une échelle visuelle analogique avec laquelle le patient peut évaluer ses symptômes de rhinite, de conjonctivite, le contrôle d’un asthme (dont on sait qu’il est fréquemment associé à la rhinite), et même sa productivité au travail ! L’App comporte également les différents traitements de la rhinite allergique, y compris l’immunothérapie allergénique (ITA). Grâce à des questionnaires cette App permet de distinguer les principaux types de rhinite. Des études cliniques ont permis de vérifier que la perte de productivité au travail était fortement associée à un mauvais contrôle de la rhinite, de la conjonctivite et de l’asthme (3,4)…

Des carnets de surveillance électroniques

Les patients peuvent ainsi colliger chaque jour leurs symptômes et les effets du traitement (y compris de l’ITA) comme certains le faisaient naguère, avant la formidable diffusion des smartphones, sur des carnets de surveillance adaptés. Mais chacun sait que les patients étaient plutôt peu nombreux à tenir ces « carnets de bord du Monde ancien » (sauf les carnets de désensibilisation remplis par les médecins). Il est permis de penser que les patients, portés par la vague des smartphones, surveilleront mieux leur affection en utilisant ces fonctionnalités nouvelles. Mais nul doute que la concurrence des App ludiques, et autres, sera rude !

Néanmoins, les patients pourront imprimer une fiche, au rythme qu’ils souhaitent, et l’envoyer à leur médecin en « fichier joint » depuis leur ordinateur fixe (3)… Pour l’App MASK, les retombées possibles concernent la pratique médicale, l’accès du patient à une plus grande autonomie et même, pour le futur, l’enregistrement et le remboursement des traitements ! Une autre App, appelée POLLAR, a pour objectifs d’étudier les liens entre la rhinite allergique, l’asthme, les allergènes et les polluants de l’air extérieur (3).

Quelques études d'efficacité

Une recherche sur PubMed avec « App, smartphone and allergy » fournit une vingtaine de références : les App pour mobiles sont utilisées en allergologie oculaire (5), en cosmétologie (6), en asthmologie en particulier pour la gestion de l’asthme de l’enfant et de l’adolescent (7,8), et pour le diagnostic de l’asthme pollinique (9). Particulièrement intéressante, une App consacrée à l’utilisation correcte des stylos auto-injecteurs d’adrénaline fournit 90,5 % de bons résultats contre seulement 28,6 % pour les patients témoins qui ne disposaient que d’utilisations écrites sur un support papier(10).

Dans une étude récente, Zhou et coll. (11) ont identifié 72 applications liées à la rhinite allergique. Cinquante-quatre étaient uniques (Apple ou Google), et 18 existaient sur les deux systèmes d'exploitation. Quarante applications (55,5 %) étaient disponibles dans l'App Store d'Apple et 32 ​​applications (44,4 %) sur Google Play. Les App appartenaient aux catégories suivantes : éducation des patients (18 ; 25 %), journaux (15 ; 20,8 %), suivi des symptômes (14 ; 19,4 %), pratique clinique/privée (13 ; 18,1 %), prévision de l’exposition pollinique (7 ; 9,7 %), formation médicale (4 ; 5,6 %) ou autres (1 ; 1,4 %). La majorité des App étaient gratuites (67 ; 93,1 %) ; leur prix des App payantes allait de 1,47 à 4,99 dollars. Les App examinées par ces auteurs ont obtenu une note moyenne de 3,9 sur 5. À noter que les médecins n’ont participé qu’au développement de 37 applications (51,4 %), soit seulement une sur deux (11) !

De nombreuses applications dans tous les domaines

En dehors des allergies et de l’asthme des applications pour smartphones existent pour les maladies cardio-vasculaires (en particulier les affections coronariennes), l’hypertension artérielle, les néphropathies, les dyslipidémies, le diabète, les maladies rhumatismales, les broncho-pneumopathies chroniques obstructives. Il existe aussi de nombreuses App pour évaluer l’activité physique.

Ces études ont montré que les applications sur smartphones étaient des outils totalement ou, au moins, partiellement efficaces pour aider à gérer certaines maladies chroniques (12). Avec ces aides, les patients atteints d’affections de longue durée : (i) sont convaincus que leurs maladies sont étroitement surveillées ; (ii) participent plus efficacement à la gestion de leur santé ; et (iii) estiment qu’ils n’ont pas été oubliés par leurs médecins et sont pris en charge même en dehors des hôpitaux ou des cliniques (12).

Un recul plus important est toutefois nécessaire pour estimer leur place dans la prise en charge des maladies chroniques mais, d’ores et déjà, leur principal intérêt si situe dans le domaine de l’éducation thérapeutique. Il faut probablement privilégier les App conçues avec l’aide des médecins. Certains professionnels qui considèrent certaines de ces App comme des gadgets et il ne faudrait pas que leur utilisation dispense les médecins (et les patients) de ce qui doit rester le socle de la pratique médicale : l’interrogatoire et l’examen clinique.

Pneumologue-allergologue
(1) Ciagi C, Gevaert P, Mosges R, Rondon C, Hox V, Rudenko M, et al. Multimorbidities of allergic rhinitis in adults :Euuropean Academy of Allergy and Clinical Immunology. Task Force report. Clin Transl Allergy 2017 ; 7 :17
(2) Bousquet J, Schunemann HJ, Fonseca J, Samolinski B, Bachert C, Canonica GW, et al. MACVIA-ARIA sentinel network for allergic rhinitis (MASK-rhinitis) : the new generation guidelines implementation. Allergy 2015 ; 70(11) : 1372-92
(3) Bousquet J, Annesi-Maesano I, Arnavielhe S, Bedbrook A, Bossé I, Caimmi D, et al. Place des nouvelles tecnologies dans la prise en charge des patients allergiques. Rev Fr Allergol 2018 ; 58(3) : 383-5
(4) Caimmi D, Baiz N, Tanno LK, Demoly P, Arnavielhe S, Murray R, et lal ; Validationnof the MASK-rhintid visual analogue scale on smartphone screens to assess allergic rhinitis control. Clin Exp Allergy 2017 ; 47(12) : 1526-33
(5) Norris MR, Bielory L. Cosmetics and ocular allergy. Curr Opin Allergy Clin Immunol 2018 ; 18(5) : 404-10
(6) Bennike NH, Oturai NB, Müller S, Kirkeby CS, J rgensen C, Christensen AB, et al.  Fragrance contact allergens in 5588 cosmetic products identified through a novel smartphone application. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018; 32(1): 79-85.
(7) Hollenbach JP, Cushing A, Melvin E, McGowan B, Cloutier MM, Manice M. Understanding clinicians' attitudes toward a mobile health strategy to childhood asthma management: A qualitative study. J Asthma 2017; 54(7): 754-60
(8) Odom L, Chistnbery T. There is an "app" for that: Designing mobile phone technology to improve asthma action plan use in adolescent patients. J Am Assoc Nurse Pract 2016 ; 28 (11) : 583-90
(9) Bianchi A, Tsilochristou O, Gabrielli F, Tripodi S, Matricardi PM. The Smartphone: A Novel Diagnostic Tool in Pollen Allergy? J Investig Allergol Clin Immunol 2016 ; 26(3) : 204-7
(10) Hernandez-Munoz LU, Woolley SI, Luyt D, Stiefel G, Kirk K, Makwana N, et al. Evaluation of AllergiSense Smartphone Tools for Adrenaline Injection Training. IEEE J Biomed Health Inform  2017; 21(1): 272-82
(11) Zhou AH, Patel VR, Baredes S, Eloy JA, Hsueh WD. Mobile Applications for Allergic Rhinitis. Ann Otol Rhinol Laryngol 2018 Sep 6:3489418798385. doi: 10.1177/0003489418798385. [Epub ahead of print]
(12) Wang J, Wang Y, Wei C, Yao NA, Yuan A, Shan Y, Yuan C.Smartphone interventions for long-term health management of chronic diseases: an integrative review. Telemed J E Health 2014 ; 20(6) : 570-83

Pr Guy Dutau

Source : lequotidiendumedecin.fr