Les collectivités utilisent la téléconsultation en ordre dispersé 

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Publié le 25/11/2022
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Alors que 6 à 7 millions de Français n'ont pas de médecin traitant, régions, départements ou communes s'activent pour proposer des solutions numériques, au plus près des territoires. Mais chacun a sa méthode. 

Plus de 12 millions de téléconsultations ont été réalisées en 2021

Plus de 12 millions de téléconsultations ont été réalisées en 2021
Crédit photo : Voisin/Phanie

Avec 12 millions d’actes à distance réalisés en 2021 (18 millions en 2020), la téléconsultation s’inscrit dans la durée, bien qu’elle peine encore à s'ancrer dans les déserts médicaux. Ainsi, alors qu’à Paris, l’année dernière, 16 % de la population a eu recours au moins une fois à une consultation à distance, ils n’étaient que 2,3 % dans la Creuse et 3,2 % dans l’Orne.

Pourtant, localement, les collectivités territoriales misent de plus en plus sur les usages numériques pour combattre la désertification, le plus souvent en concertation avec les acteurs de terrain et les autorités de santé. C’est le cas de la Meuse, qui a lancé dès 2019 l’expérimentation « e-Meuse » en collaboration avec la Région et l’agence régionale de santé (ARS). Le département a fait naître des postes avancés de téléconsultation, « qui seront déclinés dans 10 endroits partout sur le territoire », précise au « Quotidien » Jean-Charles Dron, qui pilote le projet pour le département.

Cabinet 100 % téléconsultation 

Cabinet infirmier, MSP, Ehpad, centre d’accueil social : les habitants de la Meuse ou de la Haute-Marne peuvent ainsi se rendre sur rendez-vous dans ces lieux équipés de chariots de téléconsultations, assistés par cinq infirmiers. De l’autre côté de l’écran, un généraliste consulte de 9h à 19h depuis son cabinet virtuel. « Le médecin est basé à Souilly. Ce cadre d’exercice dérogatoire a été validé par la commission paritaire régionale des Médecins, », indique Jean-Charles Dron. Plus de 3 500 téléconsultations ont déjà été réalisées dans ces zones sous-denses, « avec des patients de tout profil et plutôt pour des suivis au long cours. Ce n’est pas de la bobologie », cadre Jean-Charles Dron, qui insiste sur la notion de « maillage territorial ». Pour l’heure, le projet peine à fédérer d’autres généralistes, regrette-t-il.

Lancé pour dix ans, « e-Meuse » intègre également des expérimentations autour du maintien à domicile ou de la télé-expertise. En lien avec le CHU de Nancy et le GHT Cœur Grand Est, le département souhaiterait à terme organiser le développement de téléconsultation de spécialités et le déploiement d’unités mobiles de téléconsultation.

Les infirmières à la rescousse en Île-de-France

En Île-de-France cette fois, la région s'active pour lutter contre la pénurie de médecins. « Le constat est effarant », a alerté mi-octobre Farida Adlani, vice-présidente de la région, chargée de la santé, lors du « forum territoires e-santé ». Avec 63 % de la population francilienne en zone de désert médical – et le départ de 3 700 praticiens libéraux sur les dix dernières années – « nous avions bien senti dès 2017 qu’il y avait un problème et qu’il fallait penser à financer la télémédecine dans la région », se souvient-elle.

En 2021, la région a ainsi mis sur la table 250 000 euros en Essonne « pour qu'une infirmière libérale puisse faire, grâce à la téléconsultation, le relais avec le médecin traitant lorsque le patient sort d’hospitalisation », illustre la vice-présidente de la région. À Provins (Seine-et-Marne), la région a aussi participé au financement de cabinets de téléconsultation assistée par une infirmière.

Cabines sauvages versus logique populationnelle

Collectivités et mairies misent de plus en plus sur l’implantation – parfois sauvage – de cabines de téléconsultation. Pour Christophe Bouillon, maire de Barentin et président de l’Association des petites villes de France (APVF), ces projets doivent absolument se monter « en coordination »« Il y a une tentation très forte des maires d’installer une cabine à côté de la mairie, mais je pense qu’elles doivent être proches de professionnels de santé et permettre aussi la confidentialité », avance Christophe Bouillon pour qui le numérique « est une solution parmi d’autres, pas la panacée ». À l'avenir, l'édile espère que « les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé] pourront viser au plus juste l’installation de ce type de cabines dans une logique populationnelle ».

Dans le 93, téléconsultations… et médiateurs au téléphone 

En Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, « seules deux villes ne sont pas considérées comme sous-denses », insiste Magalie Thibault, vice-présidente en charge des Solidarités et de la Santé au conseil départemental. Dans ce territoire jeune et urbain, la téléconsultation connaît un succès croissant : en 2021, près de 12 % des séquano-dyonisiens avaient réalisé au moins une consultation à distance.

Pour autant, explique Magalie Thibault, la fracture digitale demeure alors même que « beaucoup d’habitants de Seine-Saint-Denis n’ont pas l’aisance numérique pour faire des démarches en ligne de recherche de médecins traitants, de prise de rendez-vous ». Pour aider les plus éloignés du numérique dans leurs démarches de soins ou organiser des actions de prévention dans les quartiers prioritaires, le département mise toujours sur le bon vieux téléphone et des médiateurs. Maladies chroniques, santé mentale, MST : des associations gèrent des permanences d’accès aux soins pour orienter les patients et les sensibiliser. La téléconsultation ne règle pas tout. 

Léa Galanopoulo

Source : Le Quotidien du médecin