3D, serious game, simulation

Les outils numériques poussent les portes des facs

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Publié le 30/01/2020
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Avec leur plus-value pédagogique indéniable, les nouvelles technologies s'immiscent doucement dans la formation médicale, même si cette approche est encore trop hétérogène d'une université à l'autre.
Les casques de réalité virtuelle sont utilisés comme tutoriels immersifs reproduisant des opérations chirurgicales

Les casques de réalité virtuelle sont utilisés comme tutoriels immersifs reproduisant des opérations chirurgicales
Crédit photo : PHANIE

Simulateur sur mannequin, casque de réalité virtuelle, 3D, serious game… Petit à petit, les nouvelles technologies apparaissent dans les contenus pédagogiques des facs de médecine. 

Les spécialités chirurgicales sont les plus pourvoyeuses de simulation. Avec comme leitmotiv « Jamais la première fois sur un patient », les jeunes chirurgiens s'entraînent de temps en temps dans les centres de simulation. En chirurgie urologique, les juniors s'exercent d'abord sur une console pour apprendre à manier des robots chirurgicaux. En chirurgie cardiaque, ils apprennent à disposer une valve cardiaque TAVI sur un mannequin haute-fidélité. « Ils suivent des procédures, qui permettent de voir des cas cliniques et des complications en cas de mauvais gestes », explique le Dr Gabriel Saiydoun, président du Conseil national des jeunes chirurgiens (CNJC). 

Le Pr Nabil Chakfé, chef du service de chirurgie vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg a monté l'association Geprovas pour former les internes aux techniques endovasculaires et de chirurgie ouverte. « L'objectif est de pouvoir faire progresser l'étudiant. Il effectue des procédures complètes parfois d'une heure et demie dans des conditions similaires au bloc avec un environnement pédagogique pertinent, permettant une évaluation de tous les détails », expose-t-il. 

Découvrir des spécialités

Inexistants il y a quelques années, les casques de réalité virtuelle font eux aussi une percée timide, grâce aux travaux de quelques sociétés dynamiques comme la start-up française Revinax, cofondée par le Dr Maxime Ros, neurochirurgien pédiatrique. L'ancien médecin du CHU de Montpellier a développé des tutoriels immersifs reproduisant des opérations chirurgicales. « Nous n'avons pas toujours un bon angle de vue quand nous suivons une opération en compagnonnage. Aujourd'hui, on pose deux caméras sur le praticien lorsqu'il opère, on enregistre puis on ajoute de la réalité virtuelle, explique-t-il. Le tuto permet d'avoir la vue du chirurgien et de voir un environnement à 360° d'images réelles, cela donne la sensation d'opérer soi-même. » Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les start-up Fundamental VR et Osso VR tentent également de se faire une place sur le marché.

Le développement des serious game repose également sur la volonté d'une poignée d'étudiants et de facultés qui tentent d'implanter la culture du numérique dans l'enseignement du second cycle. En 2019, la faculté de médecine de Besançon a ainsi lancé le jeu virtuel Discovery Pathology pour faire découvrir la spécialité d'anatomie et cytologie pathologiques et la démystifier. Deux promotions l'ont à ce jour utilisé.

À Angers, le centre de simulation a noué un partenariat avec SimforHealth, une société spécialisée dans la création et la diffusion de serious game et conçu un simulateur de consultations d'urologie. Ces serious game permettent de travailler le raisonnement clinique ou des compétences non-techniques comme le management dans un contexte de crise. 

Autres nouveautés pédagogiques dans le premier cycle du côté de Caen : la BU de l'UFR s'est équipée d'une table d'anatomie tactile longue d'1m60 et d'un atlas d'anatomie humaine numérique (Visible Body) ; le tutorat organise quant à lui des séances en petit groupe d'étudiants PACES pour travailler l'anatomie. Les coupes sont en 3D, on y voit squelette, muscles, système sanguin et lymphatique. « C'est mieux pour l'apprentissage, on peut voir de près, retirer un organe ou le rendre "transparent" et on visualise tout en 3D », commente le tutorat.  

Freins financiers et culturels

Intéressantes sur le plan pédagogique, toutes ces innovations locales ont encore beaucoup de mal à se développper. « Tous les CHU ne sont pas tous dotés d'académie de chirurgie ou de centres de simulation bien développés. Pourtant, c'est indispensable à la formation », déplore le Dr Saiydoun, à l'unisson de nombre de spécialistes de plateaux techniques. Pour expliquer cette hétérogénéïté, le Pr Chakfé pointe le coût des simulateurs, auxquels il faut ajouter l'entretien et les personnels. Autre frein : le manque de temps des jeunes autant que des enseignants pour développer la simulation, et ce malgré une réelle attente des futurs chirurgiens. 

La réalité virtuelle doit elle aussi encore convaincre la majorité des professionnels du secteur, qui jugent certes l'outil intéressant mais pas forcément conforme à la réalité du terrain – et encore moins à ses complications. Pour le CNJC, l'intérêt pédagogique de cet outil reste également à évaluer.

Plébiscité par les juniors, le developpement des serious game est freiné au niveau des facs par un argument financier voire culturel.  « Peu d'universités se lancent vraiment, explique Guillaume Brun, responsable collaborations avec les professionnels de santé chez SimforHealth. Une forme de frilosité perdure concernant les partenariats public-privé. »

L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) déplore ce manque d'accès à ces technologies. Lueur d'espoir pour les carabins : que les réformes en cours permettent d'en « démocratiser l'usage ».

 

S;M

Source : Le Quotidien du médecin