Visuchir spécialités : un nouvel outil de benchmarking pour les chirurgiens

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Publié le 26/11/2021
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Avec le lancement de Visuchir spécialités, l'Assurance-maladie offre à tous les chirurgiens un tableau de bord numérique qui leur permet de comparer leurs pratiques, actes par actes, région par région. L'objectif est double : se remettre en question et doper l'ambulatoire.

Dans les cinq principales spécialités chirurgicales – dont l'orthopédie – Visuchir permet aux équipes de s'autoévaluer

Dans les cinq principales spécialités chirurgicales – dont l'orthopédie – Visuchir permet aux équipes de s'autoévaluer
Crédit photo : PHANIE

La clinique en bas de la rue fait-elle plus de cholécystectomies en ambulatoire que moi ? Où se situe mon établissement dans le palmarès des chirurgies de la cataracte ? Quelle est la durée moyenne de séjour pour une pose de prothèse de hanche dans mon département ? Pour donner la possibilité aux chirurgiens de se comparer à leurs confrères, la CNAM lance, ce 26 novembre, un nouvel outil de data visualisation : Visuchir Spécialités. Basé sur les données de l’Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), ce panorama est accessible à tous et recense pas moins de 36 millions d’actes de chirurgie sur les quatre dernières années.

Objectif de l'Assurance-maladie : proposer « un outil de benchmark entre chirurgiens, qui décrit finement, analyse et donne des perspectives sur les pratiques professionnelles et organisationnelles », explique le Dr Gilles Bontemps, directeur de mission à la CNAM. La caisse n'est pas fâchée non plus de venir concurrencer les palmarès des hôpitaux publiés chaque année dans la presse… En permettant aux équipes chirurgicales de se comparer aux autres régions ou établissements, la CNAM espère doper l'ambulatoire (vers le taux cible de 70 % fixé pour 2022 par les pouvoirs publics), tout en mesurant son potentiel de développement et en identifiant des objectifs quantifiés de progression. Actes réalisés, âge des patients, sévérité, noms des établissements ou encore durées de séjour… Au total, deux milliards de résultats sont agrégés dans Visuchir spécialités.

Visuchir

Créer son propre palmarès

Camemberts, histogrammes et courbes colorées : en pratique l’outil offre au chirurgien la possibilité de composer sa propre requête personnalisée ou « panorama », en entrant l’acte chirurgical, sa région et son type d’établissement par exemple. Ainsi « 700 000 panoramas sont disponibles sur le site » précise le Dr Bontemps.

Par exemple, un chirurgien orthopédiste, dont une partie de l’activité consiste à poser des prothèses totales sur des genoux très déformés, de plus de 10°, peut sélectionner cet acte précis et constater que 45 000 chirurgies de ce type ont lieu chaque année dans 600 établissements. Puis, il lui sera possible d'afficher le résultat uniquement pour les 45 CHU qui réalisent ce type d’opération. « S’il exerce en Bourgogne, il peut ensuite se comparer avec les 28 sites qui réalisent cette chirurgie dans la région, comparer la technique chirurgicale employée ou encore la récupération améliorée après chirurgie », illustre le Dr Gilles Bontemps. De quoi se challenger et se repositionner le cas échéant. « Je peux aussi faire mon propre "benchmark" et voir, par exemple, que je fais partie des 10 % d’établissements qui posent le plus de prothèses de genou en France », ajoute le Dr Bontemps.

Travail colossal

Genou, côlon, peau, cataracte… Les jeux de données proposés se basent sur la nomenclature des actes mais sont aussi regroupés par grande famille d’interventions. Un classement réalisé en collaboration avec 70 experts issus des cinq principales spécialités chirurgicales en France : orthopédie, ophtalmologie, ORL, urologie et digestive. Ces cinq domaines regroupent à eux seuls 80 % de la chirurgie en France. « C’était un travail colossal de rebrasser toute la classification des actes afin de les ranger dans des familles qui sont pertinentes dans notre quotidien », commente le Pr Vincent Darrouzet, président du CNP d’ORL, qui a œuvré à l’élaboration de Visuchir, à la demande de l'Assurance-maladie. 

Au final, « c’est un outil formidable, je suis stupéfait du résultat », se félicite le Pr Darrouzet. Il salue « des données objectives, qui permettent facilement de se positionner par rapport aux autres et de voir les progrès à faire notamment en termes de durée d’hospitalisation ». Même constat du côté de la chirurgie digestive. « Cela permet de ne pas rester en silo, avance la Pr Muriel Mathonnet, présidente du CNP de chirurgie viscérale et digestive. On nous incite à faire de l’ambulatoire et cet outil nous permet de dire si nous sommes vraiment bons ou mauvais par rapport aux autres ». Et parfois de se rassurer…

Aucune logique punitive

Au lancement du projet, le Pr Vincent Darrouzet avoue avoir « eu un peu peur du flicage, que l'on pointe du doigt le chirurgien qui ne fait pas assez de ceci ou cela ». En définitive, « il ne faut pas craindre la transparence car ça ne peut que nous porter vers le haut », conclut-il. La CNAM, elle aussi, se défend de velléités punitives. « Notre objectif n’est pas de contrôler les pratiques, ni d’être coercitif, confirme Gilles Bontemps. Nous souhaitons que les pratiques des chirurgiens s'améliorent spontanément, en donnant des perspectives d'évolution et en permettant aux équipes de s'autoévaluer le plus médicalement possible ». 

Une incitation à faire mieux, qui s’inscrit dans un cercle vertueux, y compris en publiant « en toute transparence » des palmarès. « Nous avons pris comme référence les 20 % d’établissements qui pratiquent le plus haut taux d’ambulatoire pour chaque acte, précise le directeur de mission de la CNAM. L’idée est ensuite d’encourager les autres établissements à échanger avec les meilleurs, les appeler, pour créer une émulation ambulatoire. »

Cette démarche pourrait avoir des conséquences sur l’attractivité hospitalière, avance même le Dr Gilles Bontemps. « Un jeune chirurgien ou anesthésiste pourra en quelques clics comprendre comment exercent les établissements et faire son choix en fonction du résultat », imagine-t-il déjà. Rien n’empêche non plus les médecins de ville de naviguer sur Visuchir pour adresser au mieux leurs patients.


Source : Le Quotidien du médecin