Congélation d’embryons, AMP, GPA

Face aux progrès techniques, où poser les limites

Publié le 07/02/2013
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Crédit photo : S Toubon

DÉCENTRER le regard est le premier geste du Pr Frydman. Plutôt que de se focaliser sur les droits d’une partie de la population, les couples de même sexe, il préfère envisager dans son ensemble les enjeux soulevés par les techniques d’aide à la procréation.

Et de saluer l’auto-saisie, par le Conseil consultation national d’éthique (CCNE), d’une réflexion sur l’AMP, mais aussi sur l’autoconservation des ovocytes, la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, et la gestation pour autrui (GPA). « On passe d’une réponse précipitée dans le cadre du projet de loi sur le mariage pour tous, à un questionnement plus approfondi sur les formes sociales de l’AMP. Il faut se poser, sortir de la bataille droite gauche », commente le Pr Frydman, qui plaide pour un plan sur l’AMP.

Histoire de transgressions.

S’en remettre au CCNE est une façon de s’ancrer dans l’histoire des techniques d’aide à la procréation. C’est en effet à la suite de la naissance d’Amandine que François Mitterrand a créé le CCNE. « C’était une première transgression : on voit ce qui n’est pas visible, on touche l’intouchable, le début de la vie », raconte le Pr Frydman au sujet de l’invention du Britannique Robert Edwards. C’est lui qui le premier, imagina dans les années 1960 réunir des gamètes à l’extérieur des trompes des femmes, souvent atteintes, en cette période de libération sexuelle, de salpingite. Louise Brown, née en 1978, a été le premier béébé conçu par fécondation in vitro (FIV).

En 1986, la congélation des embryons devient possible, des « humains déjà formés attendent leur évolution qui sera normale. "Findus" ne sera pas marqué sur leur front », commente non sans humour le Pr Frydman. « C’est une première suspension du temps. La fille peut porter les embryons congelés vingt ans avant. Il y a la possibilité de brouiller le mode de filiation comme jamais auparavant », analyse-t-il.

Avec le don d’ovocytes, et, depuis juillet 2011 (mais les décrets ne sont toujours pas parus), leur vitrification, les possibilités se multiplient. « Il peut y avoir beaucoup de monde autour de la vie d’un enfant : la femme qui donne, celle qui porte, celle qui élève, celui qui donne, celui qui élève », résume le Pr Frydman.

Aujourd’hui, les scientifiques savent prélever des cellules sur l’embryon pour connaître le sexe de l’enfant à venir, voir s’il a bien 46 chromosomes ou s’il développera des maladies graves et incurables 20 ans plus tard. « C’est une médecine de l’évitement: on ne guérit pas l’enfant, mais au lieu de faire une IVG, on évite l’enfant malade », interprète le Pr Frydman.

Eugénisme ou fantasme ?

Face à certaines interdictions, le Pr Frydman semble stupéfait. C’est le cas notamment de l’autoconservation des ovocytes - qui n’est autorisée en France que pour raison médicale. « On ne voit pas ce qu’il y a de condamnable à élargir l’autorisation, alors que l’âge de la maternité recule. Les femmes gardent leurs ovocytes au chaud pendant 37 ans, elles peuvent les garder quelques années de plus au froid », dit-il en forme de boutade.

Il connaît les réticences qui s’expriment autour de la recherche sur l’embryon. « On ne va pas répondre au choix du sexe. Être homme ou femme n’est pas une tare. Nous répondons seulement à une demande précise : éviter une pathologie grave et incurable. Ce n’est pas de l’eugénisme car on ne touche pas à la génération suivante, qui peut développer la pathologie », se défend le Pr Frydman. Créer un petit d’homme parfait ? « C’est un fantasme ! La génétique ne peut pas déterminer l’intelligence. Et nous ne sommes pas qu’une carte génétique. Nous sommes aussi le produit de notre environnement » souligne-t-il, regrettant qu’un tel imaginaire bloque la recherche. À ses yeux, une seule limite demeure infranchissable, la marchandisation du corps. À ce titre, il est viscéralement opposé à la GPA (voir ci-contre)

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9216