GPA : la Cour de cassation reconnaît la filiation entière des filles Mennesson

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Publié le 04/10/2019

Crédit photo : Photo d'illustration S. Toubon

La Cour de cassation a validé ce 4 octobre l'entière transcription en droit français des actes de naissance des jumelles Fiorella et Valentina Mennesson, nées par gestation pour autrui (GPA) en Californie il y a 19 ans. Le combat des époux Mennesson pour faire transcrire dans l'état civil français les actes de naissance de leurs filles dure depuis leur naissance et a pris depuis une tournure emblématique et politique. 

Le dossier pose en effet la question du statut de la mère d'intention dans la loi française, qui, en vertu d'un vieux principe romain, ne reconnaît comme mère que la femme qui accouche – la reconnaissance de la paternité de Dominique Mennesson, père biologique, a toujours été acquise. En 2014 la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France pour avoir refusé en 2011 la transcription de l'état civil des jumelles en droit français, au motif que ce refus portait atteinte à l'identité des enfants. De nouveau interrogée par la France en 2018, la CEDH répond au printemps 2019 que la filiation doit être reconnue pour la mère d'intention tout en laissant les États libres de choisir les moyens de cette reconnaissance.

La Cour de cassation a considéré que l'option de l'adoption n'était pas satisfaisante dans cette « affaire spécifique », notamment « au regard du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère d'intention ». L'entière transcription est donc la meilleure option préservant l'intérêt supérieur des jeunes femmes.

« Nos enfants ne sont plus des fantômes. Ce sont nos enfants, légalement parlant », a réagi le père des jumelles, Dominique Mennesson. « Ce combat est définitivement et complètement gagné. Cela fera jurisprudence pour des cas identiques à ceux de la famille Mennesson », a salué l'avocat de la famille, Patrice Spinosi. 

De fait, le gouvernement avait indiqué être « suspendu » à la décision de la Cour de cassation pour clarifier par circulaire l'état du droit pour les enfants nés à l'étranger de GPA. 

Coup de tonnerre à l'Assemblée 

Mais les députés ont bousculé gouvernement et calendrier en votant ce 3 octobre au soir, un amendement à la loi de bioéthique en faveur de la reconnaissance systématique de la filiation d'enfants conçus par GPA à l'étranger. Le gouvernement avait assuré que cette troisième révision n'aborderait pas la GPA. 

« Cet amendement consacre et étend la jurisprudence constante du tribunal de Paris qui déclare exécutoire les jugements étrangers par lesquels la filiation d'un enfant né par GPA a été établie et regarde cette filiation comme adoptive », a justifié le député LREM Jean-Louis Touraine, à l'origine du texte co-signé par 13 députés de la majorité.

Le député du Rhône, médecin, a mis en avant l'intérêt supérieur de l'enfant. « Ils ne sont pas responsables de leur mode de procréation et ne doivent pas être pénalisés. Ils doivent être reconnus comme les autres. Fini le temps des bâtards qui n'avaient pas les mêmes droits que les enfants légitimes », a-t-il lancé.

La ministre de la Justice Nicole Belloubet a émis un avis défavorable à l'amendement. « Nous avons interdit dans notre droit la GPA, c'est une question d'ordre public », a-t-elle expliqué, estimant que ce principe peut s'opposer à la transcription d'actes d'état civil établis à l'étranger.

« Nous voulons aussi la reconnaissance d'un état civil pour les enfants », a-t-elle poursuivi, mais elle s'est prononcée plutôt en faveur d'une « retranscription partielle de l'acte d'état civil au regard du père biologique et d'un processus d'adoption pour l'autre parent ».

L'amendement a pourtant été adopté par les députés, provoquant l'indignation des élus LR. « Le gouvernement demandera une seconde délibération », a tenté de rassurer Nicole Belloubet. 


Source : lequotidiendumedecin.fr