Interdiction de la publicité : un avocat va porter plainte contre l'Ordre des médecins et des dentistes

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Publié le 04/07/2018

C'est une conséquence à laquelle ne s'attendaient pas peut-être pas les Ordres professionnels… À la suite du récent rapport du Conseil d'État – qui préconise de supprimer l'interdiction de publicité pour les médecins et une plus grande liberté d'information et de communication –, un cabinet d'avocats franco-italien a décidé de saisir l'Autorité de la concurrence et de porter plainte contre l'Ordre des médecins et celui des chirurgiens-dentistes.

« Nous allons porter plainte contre ces Ordres pour distorsion de concurrence, explique Me Fabrice Di Vizio, avocat et gérant du cabinet. Médecins et dentistes subissent tous les jours les assauts répétés de praticiens européens qui ont, eux, le droit de faire de la publicité. C'est le cas par exemple de beaucoup de chirurgiens esthétiques hongrois qui ont des sites Internet et diffusent leurs tarifs. »

Selon l'avocat, qui défend régulièrement des médecins et des syndicats sur ces sujets, la commission européenne a rendu dès juillet 2017 un avis indiquant que le droit français était contraire au droit communautaire en matière de publicité des professionnels de santé. « Cet avis faisait suite à une saisine de notre part en 2016. Il a ensuite été transmis à l'Ordre des médecins et à la ministre, qui n'ont rien fait », assure Me Di Vizio. Il espère obtenir une amende punitive à l'encontre des Ordres. En parallèle, une requête indemnitaire a été déposée devant le tribunal administratif de Paris.

« Délire absolu »

« Ce sont les Ordres qui ont la main sur leurs codes de déontologie, et qui doivent les changer. On continue de poursuivre disciplinairement des praticiens pour des situations qui ne le justifient plus, comme le fait pour un médecin d'indiquer par un panneau où se trouve son cabinet, un peu reculé, dans une station de ski. C'est du délire absolu ! », fustige Fabrice Di Vizio, sans pour autant prôner une publicité « sauvage ».

Il appelle donc chacun à « tirer les conséquences » du rapport du Conseil d'État, les médecins étant des « opérateurs économiques qui ne se valent pas tous ». Et de comparer la situation avec les pays frontaliers de la France. « En Italie la question de la publicité est réglée depuis longtemps, et la médecine ne s'est pas effondrée pour autant », assure l'avocat.

La jurisprudence française sur la publicité des médecins devrait donc évoluer dans les prochains mois. Au niveau européen déjà, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé, en 2017, qu'une prohibition « générale et absolue de toute publicité relative à des prestations de soins » dans une loi nationale est contraire au droit européen.

Dans son rapport, le Conseil d'État souligne d'ailleurs avoir déjà été saisi de requêtes de professionnels de santé invoquant cet arrêt pour demander l’abrogation des dispositions réglementaires prohibant, en droit interne, la publicité. « Nous aurons à nous prononcer de nouveau sur ce point à la lumière de l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour », indique notamment la plus haute juridiction administrative.


Source : lequotidiendumedecin.fr