La clause de conscience spécifique à l’IVG, un débat récurrent

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Publié le 27/09/2018
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ROCHAMBEAU

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

À l'affirmation « ce n'est pas un homicide de faire une IVG », il avait répondu « si » sur TMC, estimant que, s'il ne veut pas pratiquer d'IVG, « la loi [le] protège ». Les propos du Dr Bertrand de Rochambeau, président du SYNGOF, ont rallumé la mèche autour de la clause de conscience spécifique à l’IVG, inscrite dans la loi Veil de 1975.

Depuis 2013, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, puis la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale demandent sa suppression, au motif qu’elle est stigmatisante, faisant de l’IVG un acte « à part », et inutile, puisque tout médecin, en vertu de l’article 47 du code de déontologie*, peut refuser des soins, sauf urgence, à condition de réorienter le patient.

Parmi les partisans du maintien de la clause spécifique à l’IVG, le Dr de Rochambeau estime que l’IVG n’est pas une opération comme une autre, et que seul son encadrement par la loi et non par un code de déontologie, est de nature à protéger les médecins.

Tout en rappelant que cette clause ne saurait être un moyen de se soustraire à la loi et à la déontologie médicale, l’Ordre des médecins considère que son maintien dans la loi se justifie par le fait que la grossesse n’est pas une pathologie. Et donc, que l’IVG n’est pas un acte médical comme un autre.

Des avis contradictoires

Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) est plus ambigu. Dans son dernier communiqué, il estime que « la clause de conscience est réaffirmée (de manière spécifique et superflue) pour l’IVG ». « Je ne vois pas l’intérêt de redire les choses deux fois. Mais retirer cette clause spécifique serait agiter un chiffon rouge et créer un débat bien à la Française qui ne changerait rien et braquerait tout le monde », explique au « Quotidien » le Pr Israël Nisand.

À l’inverse, le Dr Gilles Lazimi, membre du HCE, réaffirme son opposition à la clause de conscience spécifique, qui ne concerne que les femmes (elle s'applique aussi à la stérilisation tubaire). « On n’a pas besoin qu’elle soit inscrite dans la loi ; c’est un scandale qu’elle soit utilisée pour mal accueillir les femmes ». « Elle a été mise en place en 1974 pour contre-carrer les réticences des médecins de l’époque », rappelle le généraliste. 

Chez les jeunes gynécologues, « sans être militant, nous considérons que l’IVG est un acte comme un autre, qui fait partie du job », estime le Dr Solène Vigoureux, chef de clinique à l'hôpital Bicêtre. La jeune femme a sondé en 2014 ses confrères internes gynécologues médicaux et obstétriciens. Premier enseignement, près de la moitié des 420 répondants disait ne pas bien connaître la loi Veil. Par ailleurs, 7 % se déclaraient objecteurs de conscience. Dans le service de gynécologie-obstétrique où elle exerce depuis trois ans, la Dr Vigoureux n’a rencontré qu’une interne (sur une soixantaine) qui refusait de pratiquer les IVG. « Certes, notre génération préfère faire de la chirurgie, de l'aide médicale à la procréation, des échographies fœtales ou des accouchements, mais nous faisons sans problème une IVG car cela fait partie de la vie des femmes », dit-elle.

À la faveur de cette polémique, des militants, comme les Dr Ghada Hatem ou Laurence Danjou, coprésidente de l’ANCIC, ou d'autres médecins qui le sont moins, comme l’élu ordinal Jean-Marie Faroudja, n'ont pas hésité à s'interroger : « Comment un gynécologue peut-il s’engager dans la profession en refusant de voir ce qu’une femme sur trois est amenée à faire dans sa vie ? » 

Article 47 (article R.4127-47 du CSP) « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins ».

C. G.

Source : Le Quotidien du médecin: 9689