Après la mort d’Eluana Englaro

L’Italie va interdire l’interruption de l’alimentation artificielle

Publié le 12/02/2009
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

SELON LES PREMIERS résultats de l’autopsie, Eluana Englaro est morte suite à l’interruption de l’alimentation et de l’hydratation artificielle autorisée en juillet dernier par un tribunal italien. Mais il faudra encore attendre les résultats des examens toxicologiques qui devraient être communiqués au parquet en charge du dossier d’ici la fin du mois. Des examens indispensables, selon les experts, pour mettre un terme aux bruits selon lesquels l’équipe chargée d’accompagner Eluana Englaro dans son dernier voyage aurait pu lui administrer une dose excessive de sédatifs pour accélérer sa mort.

En attendant, le Conseil de l’Ordre des médecins a convoqué Amato Del Monte, l’anesthésiste qui a dirigé l’équipe chargée de débrancher Eluana Englaro. Une simple formalité, affirme le Conseil, qui auditionnera le Dr Del Monte cet après-midi. Mais le spécialiste et son équipe pourraient être également convoqués dans un cadre judiciaire. Quelque 500 plaintes ont déjà été déposées, notamment par les associations catholiques et des personnes privées, qui réclament l’ouverture d’une enquête. Une enquête qui pourrait d’ailleurs être automatiquement ouverte, selon l’avocate Caterina Minneo. « L’opinion publique a été trop impliquée dans cette affaire et il faudra lui donner des réponses », souligne-t-elle.

Complicité d’euthanasie.

Selon Caterina Minneo, et sur la base du code pénal italien, les médecins pourraient être accusés de complicité d’un acte d’euthanasie réclamée par le malade. Avant l’accident qui l’a plongée dans un état végétatif chronique, la jeune femme aurait en effet affirmé devant plusieurs témoins son refus de toute forme d’acharnement thérapeutique. D’où la décision de justice l’autorisant à être débranchée. A priori, souligne par ailleurs Caterina Minneo, les médecins n’encourent aucune peine dans la mesure, ou ils ont appliqué une décision de justice définitive. En revanche, si les examens toxicologiques devaient prouver qu’une dose excessive de substances médicamenteuses lui a été administrée, les praticiens pourraient être condamnés à une peine allant de 5 à 11 ans d’emprisonnement.

Sur le terrain politique, les choses vont également de l’avant. Mardi dernier, le Sénat a proposé un projet de loi interdisant l’interruption de l’hydratation et de l’alimentation artificielle, qui sera discuté d'ici la fin de la semaine. « Il n’y aura pas d’autres Eluana Englaro », avaient promis les parlementaires en apprenant sa mort. En parallèle, ils ont entamé la discussion d’un projet de loi concernant le testament biologique, qui résume une dizaine de propositions rédigées par des députés de centre-droit et un représentant de l’opposition. Selon ce texte, le testament devra être signé devant un notaire, souscrit par un médecin et réécrit tous les trois ans. Son contenu pourra être modifié mais les médecins auront le droit de refuser de l’appliquer. Le personnel médical ne sera jamais autorisé à commencer ou interrompre un traitement pouvant provoquer la mort d’un patient. Enfin, un juge des tutelles pourra être nommé en cas de controverse sur le choix des traitements médicaux.

Pour certains sénateurs, comme Umberto Veronesi, oncologue renommé et ancien ministre de la Santé du gouvernement Prodi, un testament biologique rédigé sous cette forme ne servirait à rien. « Le testament biologique devrait mettre un terme à toute forme de vie artificielle. Or, l’alimentation et l’hydratation obligatoire sont artificielles. D’où la contradiction avec l’idée de base d’un document permettant de refuser l’acharnement thérapeutique », dénonce Umberto Veronesi.

ARIEL F. DUMONT

Source : lequotidiendumedecin.fr