Refus d’une interruption médicale de grossesse

Un couple met en cause la maternité de Nancy

Publié le 07/12/2011
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JUSQU’OÙ une affection peut-elle justifier une IMG ? C’est la question que soulève la démarche d’un jeune couple de Meurthe-et-Moselle, qui conduit devant la justice la maternité régionale de Nancy. En novembre 2008, un examen révèle la malformation de leur enfant, une agénésie de l’avant-bras gauche. La femme est alors à 22 semaines de grossesse et demande une interruption de grossesse auprès du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Elle essuie un premier refus de la commission médicale, suivi un mois plus tard d’un second. Les médecins estiment que la situation ne correspond pas à celle décrite par les lois de bioéthique de juillet 1994 : l’IMG jusqu’au terme y « est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». La petite fille naît le 2 mars 2009 avec une malformation du bras gauche.

Les parents adressent une première plainte au tribunal administratif, qui la rejette en février. C’est désormais la cour administrative d’appel qui doit se prononcer sur leur requête : ils demandent 50 000 euros en réparation des préjudices subis.

La loi et l’humain

Toute la difficulté réside dans l’évaluation de la gravité de l’affection. « Il n’y a aucune liste de pathologies justifiant une IMG et heureusement, car une malformation cardiaque n’a pas les mêmes conséquences pour une famille qui habite en campagne ou dans le centre de Paris. Quand il y a des dossiers difficiles, on s’écharpe, on est dans le doute, la décision n’est pas facile », reconnaît le Pr Israël Nisand, gynécologue-obstétricien au CHU de Strasbourg. « Il y a des fluctuations selon la collectivité médicale. Mais avec le développement des prothèses, on ne peut pas considérer qu’une agénésie soit une affection particulièrement grave, d’autant plus que les enfants qui naissent avec cette malformation compensent très bien leur handicap », estime-t-il néanmoins.

L’avocat du couple, Me Hervé Brosseau, ne sous-estime pas la complexité du versant médical. Il cite néanmoins la jurisprudence de la cour administrative d’appel de Douai, qui, dans un jugement de novembre 2010, estime qu’un couple « pouvait avoir recours à une interruption de grossesse pour motif thérapeutique compte tenu de la gravité de la pathologie de l’enfant à naître », qui était « une anomalie du membre supérieur droit ». La maternité de Nancy aurait, selon lui, commis une erreur dans l’appréciation de la gravité de l’affection du fœtus, ainsi que dans celle de l’état de santé de la jeune femme, déprimée.

Pour appuyer son argumentaire, qui ne repose pas stricto sensu sur le texte de loi, Me Brosseau déplore « un manque d’humanité » de la part de la maternité. « La décision des parents n’a pas été prise en compte par l’hôpital. On ne leur a pas dit qu’ils pouvaient changer de centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, ils se sont heurtés à un mur alors qu’ils étaient dans la détresse. Ce n’est pas parce que le code de santé publique ne prévoit pas l’accompagnement des parents qu’un hôpital doit se comporter comme un tribunal », argumente l’avocat. Qui de la loi ou de l’humain l’emportera ? Le tribunal administratif a mis le dossier en délibéré.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9054