Éditorial

Une catharsis

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Publié le 23/09/2019

Crédit photo : S. Toubon

C’est un rituel typiquement français. Depuis les années 90, la révision des lois de bioéthique est l’occasion d’un véritable remue-méninge national. En la matière, l’hexagone a été pionnier et se distingue toujours de ses voisins par une obligation de réexamen périodique. Une telle clause de revoyure est une curiosité en droit, la législation n’ayant pas d’ordinaire vocation à abriter des dispositions à durée déterminée. Mais le rendez-vous imposé (tous les 7 ans) et l’ambition assignée (redéfinir à intervalle régulier une «bioéthique à la française») demeurent en partie théoriques. On n’hésitera pas à intervenir plus tôt en cas de besoin, par exemple en 2017 pour simplifier le don d’organes. Et on fait volontiers l’impasse sur certaines questions, comme la fin de vie, qui ressort d’un autre corpus législatif.

Reste que, de révision en révision, on assiste à une définition de plus en plus libérale du possible. C’est vrai pour les recherches sur l’embryon, vrai pour la conservation de gamètes et bien sûr en matière d’AMP. Comme si le cours des choses rendait ces évolutions inéluctables, à la faveur des innovations technologiques, mais aussi des demandes pressantes des scientifiques ou de la société. Pour justifier ce mouvement, la ministre de la Santé argue d’ailleurs d’un solide pragmatisme, justifiant par exemple la « PMA pour toutes » d’un laconique : « La France est prête». Dans ces conditions, à quoi sert de dépenser tant d’énergie à la révision de lois de bioéthique dont la rédaction semble presque écrite d’avance ? D’aucuns verront là une illustration de cette manie française de tout vouloir régir. Peut-être faut-il y trouver aussi une dimension pédagogique. Pour le corps médical, c’est l’occasion de mesurer l’extension de son périmètre d’intervention. Et pour le patient de mieux saisir les enjeux du moment. Tout ça méritait bien les 18 mois de concertation qui ont précédé le débat parlementaire qui s’ouvre cette semaine…

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin