Plus le patient est âgé, moins le médecin l'interroge sur sa sexualité

La santé sexuelle des seniors en question

Par
Publié le 19/11/2018
Article réservé aux abonnés
santé sexuelle des seniors

santé sexuelle des seniors
Crédit photo : PHANIE

Les seniors prennent des risques. Les plus de 50 ans représentent ainsi 20 % des découvertes de séropositivité VIH, selon Santé Publique France de 2018 (1). Dans 28% des cas l’infection est récente, témoin d’une prise de risque. De plus, 38 % des seniors découvrent leur séropositivité à un stade avancé (moins de 200 CD4/mm3 ou stade Sida).

Ces seniors (hommes 72 %, femmes 28 %) sont à 59 % nés en France, 41% à l’étranger. La contamination des hommes se fait autant par rapports homosexuels (50 %) qu’hétérosexuels (50 %), celle des femmes par rapports hétérosexuels (100 %).

Les facteurs de risque de contamination et de sous-dépistage peuvent se cumuler : âge supérieur à 60 ans, sexe masculin, migrant. « Dans la file active de plus de 11 500 patients séropositifs pour le VIH du COREVIH IdF Centre (qui regroupe Pitié, Tenon et Saint-Antoine), 15 à 17 % des patients ont plus de 60 ans », indique le Pr Pialoux, infectiologue à l’hôpital Tenon (APHP).

Déni de la sexualité des ainés

« Plus le patient est âgé, moins il risque d’exprimer ses prises de risque (qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel)… et moins le médecin le questionne sur sa sexualité. En résulte un déficit de dépistage qu’il faut combler. Interrogeons les patients sur leur sexualité, sachons les écouter ou proposons un test VIH banalisé dans un bilan sanguin», insiste le spécialiste. Car tout est plus compliqué pour le senior de 60-80 ans (et plus) à sexualité active.

À commencer par le dépistage. « À 70 ans allez demander au pharmacien un auto-test pour dépister l’infection VIH avec 6 personnes derrière qui attendent... Souvent celui à qui l’on découvre une séropositivité explique avoir demandé si un test de dépistage du VIH serait opportun. Et le médecin (en ville ou à l’hôpital) lui a répondu : Non mais pas vous ! Marié(e), 4 enfants, allons…Sauf que depuis le patient prend des risques. C’est ce que j’appelle le « pas vous, pas moi »», indique le Pr Pialoux. Même l’urologue, le gynécologue, le dermatologue ne sont pas à l’abri de ce déni de sexualité active du senior (ne pas tendre une perche sur la sexualité de l’homme de 75 ans qui consulte pour sa prostate par exemple).

Ensuite, se protéger avec un préservatif est plus compliqué. Des seniors ont vécu en couple sans prendre de risque, puis chemin faisant (divorce, décès…) en prennent car ils n'ont pas été habitués au préservatif. Chez la femme, le préservatif peut gêner la lubrification et être compliqué à imposer. « À l’homme qui n’en a jamais mis, il peut être utile de conseiller d’essayer seul (se l’approprier, se rassurer) ou de l’intégrer à des jeux sexuels…et si le préservatif le fait débander, de lui prescrire des stimulants de l’érection (sauf contre-indication ou la PreP VIH s’il rentre dans les indications) ».

Par manque d’habitude, le préservatif risque davantage d’être laissé dans le vagin ou l’anus. À 75 ans, l’homme ayant des relations sexuelles avec un homme est plus souvent dans une relation passive, plus à risque d’infection sexuellement transmissible.

Or combien de seniors savent qu’existe un traitement prophylactique pré-exposition (PreP) au VIH ? Que 24h/24 aux urgences, ils peuvent recevoir un kit de traitement post-exposition (TPE) ? Qu’il sera d’autant plus efficace que ce traitement est précoce, dans les 4 heures (et que mieux vaut ne pas se rendormir et attendre 24-48h) ? Qu’un point sera ensuite fait sur le risque d’infection VIH (et autres infections sexuellement transmissibles) ? Le Pr Pialoux insiste sur l’urgence « de mettre en place des campagnes de prévention spécifiques sur la santé sexuelle des seniors (informations sur les infections sexuellement transmissibles, les stimulants érectiles, les préservatifs, la prophylaxie pré-exposition et le traitement post exposition) comme il en existe sur la santé visuelle et auditive de nos aînés ».

(1) INVS : Découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes et les séniors. Données actualisées au 31 janvier 2018.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9703