L’insécurité reste très élevée chez les médecins, 901 incidents déclarés en 2014 !

Publié le 10/04/2015

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Malgré un léger tassement, l’observatoire de la sécurité des médecins, mis en place en 2003 par Ipsos et le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), recense un nombre d’incidents déclarés (agressions verbales, physiques, menaces, vols, atteintes aux biens...) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014 bien supérieur à la moyenne.

Fourchette haute

Exactement 901 fiches de déclaration d’incident ont été déposées en 2014, contre 925 en 2013 (le record depuis 2003). Ce chiffre est supérieur de 27 % à la moyenne annuelle de l’observatoire (707), et s’inscrit dans la fourchette haute observée depuis 2010.

Comme chaque année, les incidents sont le plus souvent signalés au cours du premier semestre (463 fiches en 2014). Cela s’explique selon l’Ordre par la fermeture des cabinets l’été ou leur prise en main par des médecins remplaçants moins au fait des procédures. Mais avec 438 fiches déposées au second semestre, l’année 2014 remporte le sombre record pour cette période.

Le taux de « victimation » (nombre de déclarations d’incident par rapport au nombre de médecins en activité régulière) est de 0,45 ; 4,5 médecins sur 1 000 ont signalé un incident au conseil de l’Ordre (contre 0,46 en 2013). Le CNOM voit dans ces chiffres une progression significative de l’insécurité qui touche les médecins, mais aussi leur besoin croissant de déclarer les faits qu’ils subissent.

Une insécurité qui s’étend géographiquement

De très nombreux départements sont touchés par l’insécurité, que ce soit en nombre d’incidents déclarés ou au regard du taux de victimation. En tête, on retrouve le Nord, avec 63 incidents en 2014, loin devant les Bouches-du-Rhône (41), et l’Isère (38) ; ces trois départements constatent une tendance à la hausse par rapport à 2013. La liste des 10 départements où les déclarations sont les plus nombreuses comprend aussi la Seine-Saint-Denis (35), la Loire et le Rhône (32), le Var et le Val-d’Oise (29), Paris (27) et le Calvados (23).

Selon le CNOM, ce sont des départements plutôt populaires, ainsi que les territoires franciliens, où cependant la tendance est la baisse.

Mais l’analyse du taux de victimation fait apparaître d’autres départements comme le Tarn-et-Garonne (2 % des médecins y ont déclaré un incident), la Meuse (1,9 %), la Haute-Vienne, le Vaucluse, la Dordogne ou le Cher, tandis qu’elle place en bas du classement des départements comme le Nord et Paris qui ont un nombre élevé de médecins. Une douzaine de départements ont un taux de victimation égal ou supérieur à 1 %, contre 10 en 2013. L’insécurité n’y est peut-être pas plus élevée, les professionnels peuvent être aussi plus sensibilisés par leur conseil départemental, précise l’Ordre.

La médecine de ville la plus exposée, les établissements plus protecteurs

Les incidents déclarés se déroulent majoritairement en milieu urbain, en centre-ville plus précisément (57 %). La proportion d’incidents en banlieue recule encore d’un point entre 2014 et 2013 pour atteindre 22 %, tandis que celle en milieu rural (14 %) reste stable.

L’exercice en médecine de ville subit une explosion des incidents (de 75 % en 2013 à 83 % en 2014). Disposer d’un secrétariat ne semble protecteur (58 % des médecins violentés ont en un). Les violences se produisent à 67 % au cabinet, 16 % ailleurs : par téléphone, au domicile du patient, ou sur la voie publique.

En revanche, la proportion de déclarations émanant d’établissements de soins recule de 20 % à 11 % en 2014. Elle est très faible dans le privé (3 %, contre 6 % dans le public).

Les services d’urgences sont concernés par 2 % des déclarations - un taux non négligeable comparé au nombre total des consultations médicales.

Les généralistes de très loin les plus touchés

L’année 2014 ne déroge pas à la règle qui fait des généralistes les médecins les plus touchés par l’insécurité. Ils représentent 61 % des professionnels (en hausse de 3 points par rapport à 2013, de 5 points par rapport à 2012) ayant signalé un incident, alors que leur proportion réelle dans le corps médical est seulement de 46 %. À l’inverse, les spécialistes voient leur proportion légèrement diminuer. Ils représentent 39 % de médecins déclarants en 2014 contre 42 % en 2013, alors qu’ils sont 54 % du corps médical.

Outre la médecine générale, les spécialités les plus vulnérables sont identiques d’une année sur l’autre : les ophtalmologues (7 %, soit 64 personnes) arrivent devant les dermatologues (4 %, 36), les gynécologues-obstétriciens (29), les rhumatologues (26), les psychiatres (24), puis les médecins du travail (20), les pédiatres (19), les urgentistes (12) et les cardiologues (10).

Les femmes sont cette année surreprésentées : elles représentent 47 % des auteurs des fiches, et 44 % de la population de référence.

Le patient est souvent l’agresseur, les atteintes au personne très majoritaires

Comme en 2013, la victime de l’incident est le médecin dans 90 % des cas, parfois un collaborateur (17 %), rarement une autre personne (5 %).

L’agresseur est dans 52 % des cas le patient, dans 18 %, un accompagnant, et dans 12 %, une tierce personne. Plus de 20 % des médecins ne se prononcent pas quant à l’identité de leur agresseur.

Les « atteintes aux personnes », toujours très majoritaires (73 %) sont en diminution (- 5 points) tandis que les atteintes aux biens représentent près du tiers des déclarations. Concrètement, les agressions verbales et menaces s’infléchissent (65 % contre 69 % en 2013). Les agressions physiques stagnent à 11 %.

Dans les atteintes aux biens, les proportions des vols (21 %) et du vandalisme (10 %) restent inchangées. Les objets les plus dérobés sont des outils médicaux (ordonnance, ordonnanciers, tampons, sacoche médicale) ou des objets de valeur (sacs à mains, portefeuille, sacoche, ordinateur, moyens de paiement).

Dans 4 % des incidents recensés, l’agresseur était armé (couteau, cutter, voire d’un revolver ou d’une arme automatique dans 1 % des cas).

Le cœur de l’exercice bousculé

Les principaux motifs des incidents en 2014 sont les mêmes qu’en 2013, à commencer par un reproche relatif à une prise en charge (30 %, - 3 points), le vol (20 %, +3 points), un refus de prescription (14 %), un temps d’attente jugé excessif (9 %), la falsification de document (5 %), et des tensions autour du rendez-vous ou du paiement de la consultation. Et 5 % des médecins déclarent que l’incident s’est produit sans motif particulier.

Pas de suite légale pour plus de la moitié des incidents

Quelque 8 % des incidents déclarés en 2014 ont donné lieu à une interruption de travail, dont 2 % de plus d’une semaine. Un tiers (34 %) a donné lieu au dépôt d’une plainte, 14 % à celui d’une main courante.

Mais 52 % des médecins ne donnent aucune suite à l’incident, une proportion en légère baisse par rapport à 2013. Les cas d’agression verbale ou menace semblent banalisés aux yeux des médecins, regrette l’Ordre, qui s’étonne que 25 % des victimes d’une agression physique ne se tournent pas vers la justice.

Coline Garré

Source : lequotidiendumedecin.fr