Transparence des liens d’intérêt

Compétence ou indépendance, le casse-tête de l’expertise médicale

Publié le 24/03/2014
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Depuis la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament, la question de l’expertise médicale reste sur le devant de la scène.

Malgré l’obligation de déclarer et de publier tout lien d’intérêt, et l’interdiction de participer aux travaux d’une commission en cas de conflit d’intérêt, l’inquiétude n’est pas retombée. Les experts sont-ils indépendants ? Forcément compétents ? Leur parole est-elle crédible ?

Depuis la loi Bertrand, les agences sanitaires ont modifié leurs pratiques. Elles mettent un point d’honneur à privilégier l’indépendance de leurs experts. Des outils et des verrous ont été mis en place. Le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), affirme que son agence dispose désormais de davantage de moyens pour faire de l’expertise interne. Mais le Pr Jean-François Bergmann, ex vice-président de la commission d’AMM (autorisation de mise sur le marché), estime qu’« avoir remplacé les liens d’intérêts financiers par des liens de subordination hiérarchiques n’a pas réglé le problème ». L’avocat Bernard Geneste, spécialiste des questions de santé, s’interroge dans la même veine : « L’expert est-il indépendant depuis qu’il est filmé en commission ? Je n’en suis pas sûr ».

Souplesse

La recherche de l’expert idéal relève souvent du mouton à cinq pattes. À l’occasion d’un débat organisé par l’association des cadres de l’industrie pharmaceutique (ACIP), divers intervenants ont rappelé la priorité de trouver surtout des experts... qui connaissent parfaitement leurs dossiers. « L’expert doit d’abord être compétent. Il faut donc gérer intelligemment et avec souplesse les conflits d’intérêt », explique Alain Coulomb, ancien directeur général de la Haute autorité de Santé (HAS).

Le Pr Guy Vallancien va plus loin : « l’indépendance d’un expert, ça n’existe pas, lance-t-il. Si un expert a plusieurs liens d’intérêt, ça maintient sa liberté. L’essentiel, c’est la compétence, le reste est secondaire ».

La remise en cause de la parole des experts fait débat. Noël Renaudin, ancien président du comité économique des produits de santé (CEPS), parle de « décrédibilisation presque absolue de l’expertise ».

Les scandales sanitaires restent dans les têtes. « Une des explications, avance-t-il, c’est que la parole des experts est complexe pour le grand public, et si c’est trop complexe, c’est que c’est de l’enfumage ».

L’avocat Bernard Geneste tempère : « après l’opacité qui a prévalu sur les experts, nous sommes peut-être dans une période de libération de la parole ».

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9312