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Évaluation des médicaments : la HAS change sa méthode

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Publié le 30/01/2020
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Suppression de la réévaluation quinquennale systématique de la pharmacopée et recours à des avis temporaires conditionnels : la Haute autorité de santé (HAS) fait bouger les lignes pour faciliter l'accès aux médicaments innovants.

Crédit photo : S. Toubon

Thérapies ciblées, immunothérapie, thérapies géniques ou cellulaires… Comment faciliter l'accès des patients aux innovations médicamenteuses ? Ce défi a conduit la HAS, chargée d'évaluer les produits de santé, à présenter un plan d'action sur les médicaments innovants qui propose un changement de paradigme.

Pour les seules années 2020-2021, plus de 20 thérapies géniques vont arriver sur le marché avec des promesses de guérison (en cancérologie, dans des maladies neurologiques, ophtalmologiques…) qui créent une rupture dans l'approche de ces pathologies. « On reproche aux acteurs institutionnels d'être bloquants, trop lents, explique le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS. Mais dire que les Français n'ont pas accès aux traitements innovants n'est pas vrai. Notre rôle n'est pas de valider les yeux fermés mais de déterminer avec rigueur scientifique, indépendance et transparence, ce qui va réellement contribuer à améliorer le service rendu aux patients ». 

Pour la présidente de la HAS, la nécessité d'« être au rendez-vous de l'innovation nous impose de bouger » et d'être agile. C'est pourquoi la HAS veut concentrer ses efforts. Une des décisions stratégiques sera de rendre des « avis conditionnels » (une forme de pari) avec des prises en charge temporaires dans des situations limitées aux maladies graves avec un besoin médical non couvert. Ce mécanisme avait été suggéré par le rapport de Dominique Polton sur la réforme de l'évaluation publié (2015). Le dé́lai pour lever les incertitudes et conforter (ou contredire) la promesse initiale sera court (moins de 3 ans) et à la main de la commission de la transparence (CT).

En vie réelle

Pour ces réévaluations, la HAS compte s'appuyer sur le recueil de données « en vie réelle » (données d'usage, de tolérance ou d'efficacité, effets indésirables, glissements de prescription, qualité de vie, etc.). « Les exigences de la HAS en la matière sont claires. Pour que ces études en vie réelle soient exploitables, leurs objectifs et leur nombre doivent être précisés », recadre le Pr Christian Thuillez, président de la CT. « C'est un contrat passé avec les industriels qui sont tenus de réaliser ces études. Les patients doivent être informés et savoir que des innovations dont ils bénéficient peuvent être remises en cause lors de la réévaluation », ajoute-t-il.

Afin de cibler ses travaux d'évaluation sur les nouveaux médicaments, la HAS ne souhaite plus contrôler la totalité de la pharmacopée connue tous les cinq ans, une exception française « sans grande valeur ajoutée ». De fait, la HAS rend entre 600 et 800 avis par an là où les autres agences européennes se concentrent sur une cinquantaine d'évaluations. « Nous allons prioriser les dossiers et faciliter leur dépôt », assure Thomas Wanecq, directeur général de l'agence.

La HAS entend aussi promouvoir les procédures accélérées d'évaluation (dites de fast-tracking) qui permettent de réduire les délais. Elles ont été utilisées pour les thérapies géniques par CAR-T évaluées en moins de 90 jours après leur AMM. Mais elles restent néanmoins « sous voire non utilisées, admet la HAS, ce qui est regrettable ». 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin