« J’ai pris du Plaquenil pendant 10 jours » : un médecin a suivi le protocole controversé du Pr Raoult contre Covid-19

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Publié le 04/04/2020

Crédit photo : AFP

Plus de 600 médecins et étudiants en médecine ont déclaré au « Quotidien » avoir été contaminés par le SARS-CoV-2. Le Dr Frédéric Nadal a tout fait pour y échapper. Y compris en suivant un traitement médical qui n’a pas encore fait toutes ses preuves.

Au mois de mars dernier, ce gynécologue obstétricien (à l’origine d’une technique de césarienne), qui exerce en cabinet et en clinique à Marseille, a suivi le protocole très controversé du Pr Didier Raoult : pendant dix jours, il a pris des doses de Plaquenil (hydroxychloroquine) associé à de l’azithromycine.

Le Dr Nadal se justifie : « À l’époque, les médecins ne pouvaient pas se faire tester s’ils ne présentaient pas de symptômes, ce qui était mon cas. Par sécurité pour les autres, je me suis donc traité comme si j’étais porteur du virus. Je voulais réduire au maximum le risque de contaminer mes patientes et mes proches. » Il a également appliqué toutes les précautions pour éviter les contaminations dans le cabinet qu’il partage avec plusieurs praticiens : report des rendez-vous non urgents, barrières de plexiglas sur les comptoirs, marquages au sol pour maintenir les distances de sécurité, lavage des mains, port de masques…

« Je pense qu'on peut lui faire confiance »

Le gynécologue dit n’avoir subi aucun effet indésirable pendant la durée de son traitement. « Peut-être l'ai je pris pour rien mais le doute m'a fait pencher pour une sécurité optimale animé par la confiance en des spécialistes dont c'est la compétence. C'est ma protection et la protection de mon entourage », explique-t-il. 

Il n’ignorait pas les avertissements lancés par les autorités sanitaires sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine. « C’est un médicament parmi les plus prescrits au monde, argumente le gynécologue. Ses effets secondaires sont bien connus et les doses utilisées dans le protocole sont largement inférieures au seuil de toxicité ».

Il avait également connaissance des controverses scientifiques autour des travaux du Pr Raoult, qu’il a côtoyé pendant ses études de médecine alors que ce dernier était enseignant. « Cela fait des années qu’il travaille sur cette molécule. C’est une autorité scientifique, il est à la tête de l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille… Je pense qu’on peut lui faire confiance », plaide le Dr Nadal.

Un choix personnel, pas une incitation

Le gynécologue prévient cependant : « J’ai pris ce traitement par choix personnel, parce que je crois que nous sommes dans une situation d’urgence extrême et qu’il y a des raisons de sortir des protocoles habituels. Mais ce n’est pas mon rôle d’inciter qui que ce soit à faire de même. »

Le médecin n’est pas le seul à partager ce sentiment d’urgence. Il y a quelques jours, la Caisse autonome de retraite des médecins de France proposait de lancer un essai clinique sur l’efficacité de l'hydroxychloroquine en testant le médicament sur des praticiens atteints de Covid-19. À l‘époque, le Dr Thierry Lardenois, président de la CARMF espérait que cela « permettrait sous 10 jours la fourniture de résultats qui pourraient sauver des vies de soignants et seraient ensuite extrapolables à l'ensemble des Français ».

Note de la rédaction :
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« Le Quotidien » s’efforce tous les jours de relayer l’actualité sur l’épidémie de Covid-19, sous tous ses angles. Au cours de la dernière semaine nous avons publié de nombreux articles relatifs aux travaux des chercheurs sur les traitements à l’étude contre la maladie. C’est d’ailleurs l’essentiel de notre production (ci dessous, un échantillon des articles publiés). À côté de cela, notre travail consiste également à raconter comment les médecins, sur le terrain, réagissent face aux évènements, avec plus ou moins de rationalité. Cela ne signifie pas que nous cautionnons ces comportements. Mais le journalisme consiste aussi à rapporter des faits, sans jugement de valeur. Dans l’article que vous mentionnez, il est rappelé en préambule, dès le premier paragraphe, que le protocole du Pr Raoult n’a pas démontré toute son efficacité sur le plan scientifique.

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Source : lequotidiendumedecin.fr