Le mésusage de codéine, un phénomène de mode à l'origine du décès de 2 adolescents

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Publié le 13/06/2017
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Crédit photo : S. Toubon

Deux adolescents sont décédés depuis le début de l'année, après avoir ingurgité de la codéine. Parmi eux, Pauline, 16 ans, dont la mère témoigne dans « le Parisien ». Trois autres cas d'abus par des adolescents ont été déclarés au réseau d'addictovigilance en 2017, précise l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

L'année dernière, 13 cas d'usage détourné de codéine par des jeunes ont été déclarés, parfois associée à la prométhazine (antihistaminique H1), pour composer, avec du soda, le cocktail « purple drank ». La codéine, opiacée, provoque des troubles de la vigilance, avec somnolence, des troubles du comportement (agitation, confusion, délire), des crises convulsives, voire un coma. Et un risque supplémentaire d'hépatotoxicité, en cas d'association avec du paracétamol. Sans oublier le risque de dépendance et de surdose, par dépression respiratoire.

Le phénomène s'amplifie

Les chiffres de vente de médicaments à base de codéine, avec ou sans ordonnance, reflètent mal l'ampleur du phénomène - ils sont stables, au moins depuis 2011. « En 2015, plus de 36 millions de boîtes de médicaments à base de codéine ont été vendues sur ordonnance. Et sans prescription obligatoire, nous en recensons plus de 22 millions », indique au « Quotidien » Nathalie Richard, directrice adjointe de la Direction en charge des médicaments des addictions, tout en précisant que de tels volumes ne permettent pas de tirer des enseignements sur les cas de détournement ou mésusage.

Néanmoins, un faisceau de preuves, issues des remontées du réseau d'addictovigilance de l'ANSM (les 13 centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance), mais aussi des enquêtes spécifiques auprès des professionnels de santé et pharmacies, laissent penser que le phénomène s'« amplifie, voire s'accélère », selon Nathalie Richard. « On observe un phénomène de mode chez les adolescents et préadolescents de consommation de la codéine à des fins récréatives », confirme Nathalie Richard.

Déjà en 2012 puis en 2014, l'ANSM avait alerté sur l'usage détourné d'antitussifs à base de dextrométhorphane. Entre 2003 et 2008, 12 cas de détournements avaient été signalés dont un décès, chez des personnes de 11 à 36 ans (moyenne de 30,5 ans). Puis entre 2009 et 2013, 39 cas avaient été signalés, avec une moyenne d'âge plus jeune, de 21,4 ans. Quant au « purple drank », les premiers signalements ont été rapportés au réseau d'addictovigilance en 2013.

Une réflexion à l'ANSM sur la communication et la réglementation

Une réflexion est en cours à l'ANSM pour protéger cette population particulièrement vulnérable, celle des adolescents (distincte d'un autre travail en cours sur le mésusage des antalgiques opioïdes qui concerne une population d'adulte).

« Nous souhaitons renforcer la communication à l'égard des professionnels, comme les pharmaciens, qui peuvent refuser de vendre un produit s'ils estiment qu'il y a une mise en danger de la personne, les médecins et pédiatres, qui peuvent aider au repérage des conduites addictives, et à l'orientation vers des prises en charge adaptées, mais aussi les services de médecine scolaire et les professeurs et instituteurs, ainsi que les autres métiers en contact avec l'adolescence », explique Nathalie Richard.

« Nous étudions actuellement des mesures réglementaires pour limiter l'accès de cette population à ces médicaments, sans diminuer pour autant l'accès des patients qui ont besoin de ces produits pour traiter la douleur », poursuit-elle.

La mère de Pauline, Christelle Cebo, a lancé sur internet une pétition demandant l'interdiction de la vente de codéine sans ordonnance. « Toutes les pistes sont à l'étude », assure Nathalie Richard.


Source : lequotidiendumedecin.fr