« Très fortes tensions » sur l’amoxicilline : l’ANSM met en place un contingentement en pharmacie et invite à une prescription raisonnée

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Publié le 18/11/2022
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Crédit photo : S.Toubon

« L’amoxicilline fait l’objet de très fortes tensions d’approvisionnement en France », alerte ce vendredi l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Une situation en réalité « quasi généralisée en Europe » et qui pourrait « malheureusement durer plusieurs mois, jusqu’en mars 2023 », résume un conseiller de l’ANSM.

Ce risque de pénurie impacte particulièrement la prise en charge pédiatrique, avec des tensions d’approvisionnement sur les formes buvables de l’antibiotique (amoxicilline/Clamoxyl en poudre pour suspension buvable 125 mg/5 ml, 250 mg/5 ml et 500 mg/5 ml).

L’ANSM affirme aujourd'hui mettre « tout en œuvre pour sécuriser la situation et garantir la couverture des besoins des patients ». L'agence explique qu’un « contingentement est déjà mis en place auprès des pharmacies de ville et dans les établissements de santé pour gérer au mieux les stocks disponibles ». Ce rationnement limite la quantité que peut commander chaque pharmacie. En plus de limiter les commandes d’amoxicilline en ville, l’ANSM envisage d'interdire aux grossistes-répartiteurs d’exporter le médicament hors de France. 

Dès jeudi soir, le pédiatre hospitalier Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, alertait sur la nécessité de réserver l'usage de cet antibiotique aux patients qui en ont besoin.  

Défaut d'anticipation des industriels

Comment expliquer un tel risque de rupture pour cet antibiotique, le plus prescrit en ville ? « Ces derniers mois, il y a eu une forte augmentation de la demande d’amoxicilline », justifie le responsable de l’ANSM. Une situation qui n'aurait pas été assez anticipée.

De fait, après deux années de baisses liées à la pandémie – les restrictions sanitaires ayant aussi réduit la propagation de nombreuses maladies – la consommation d’antibiotiques est repartie à la hausse en 2022, pour retrouver des volumes identiques à ceux de 2019. Entre janvier et octobre 2022, 40 millions de boîtes d’amoxicilline ont été vendues. « Sur la même période, en 2020 comme en 2021, les ventes étaient très en deçà, aux alentours de 30 millions de boîtes », indique le conseiller de l’ANSM.

Malgré la hausse des infections respiratoires depuis plusieurs semaines, les laboratoires ont été pris de court. « Les stocks n’ont pas été à la hauteur des projections des industriels », résume l’ANSM, précisant que, pendant la pandémie « certaines lignes de production d’amoxicilline ont été diminuées, voire mises à l’arrêt, il faut les remettre en marche ».

Bon usage et limite les prescriptions

Considérée comme une molécule d’intérêt thérapeutique majeur, l’amoxicilline bénéficie pourtant, depuis un an, d’une protection supplémentaire contre les risques de pénurie. En effet, depuis septembre 2021, les industriels ont l’obligation de conserver des stocks de sécurité de deux mois de cet antibiotique. « Ce stock a permis d’atténuer les effets des problématiques d’approvisionnement », affirme l’ANSM.

En concertation avec les sociétés savantes – comme la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) ou la Société française de pédiatrie – et les associations de patients, l’ANSM a publié des recommandations pour limiter au mieux les risques de rupture d’amoxicilline

Avec, en premier lieu, des rappels de bon usage à destination des prescripteurs et des patients. « Les infections respiratoires haute et basse de l'enfant sont dans leur grande majorité d’origine virale », souligne une responsable médicale de l’ANSM. En cas d’angine aiguë, l’agence recommandera aux médecins de réaliser des Trod avant toute prescription. « Nous allons également rappeler la possibilité de limiter la durée de l’antibiothérapie au strict nécessaire », indique cette experte médecin, en limitant, par exemple, certaines prescriptions à cinq jours.

Alternatives thérapeutiques

La Direction générale de la santé (DGS) veut, elle aussi, mettre l’accent sur des prescriptions plus raisonnées. « Tant chez l’adulte que chez l’enfant, la moitié des prescriptions d’antibiotiques sont médicalement non justifiées », affirme un responsable de la DGS, citant une étude publiée en 2005 dans le « Lancet ». Pour faire de la pédagogie auprès de parents d’enfants atteints d’infection virale, l’ANSM recommande notamment aux médecins de s'appuyer sur les « ordonnances de non-prescription ».

Aussi, l’ANSM insiste sur les alternatives thérapeutiques, alors que « l’amoxicilline représente 80 % de la consommation ambulatoire des antibiotiques ». Ministère de la Santé et ANSM affirment en tout cas « avoir des discussions quotidiennes » avec les industriels et suivre de très près la situation.


Source : lequotidiendumedecin.fr