Une pandémie menaçante encore mal définie

Publié le 28/04/2009
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« TOUS LES CRITÈRES sont réunis pour qu’on puisse parler de pandémie au sujet des cas de grippe dus au nouveau variant H1N1 d’origine porcine. Il s’agit d’un nouveau virus, il existe une transmission interhumaine et plusieurs pays de plusieurs continents sont touchés », explique le Pr Antoine Flahault, directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) à Rennes. C’est un fait : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs avancé la date de son comité d’urgence pour décider de relever le niveau d’alerte sanitaire mondiale. Le stade était de 3 ce week-end, marquant le « potentiel pandémique » de la maladie, la pandémie n’étant réellement déclarée qu’au sixième et dernier niveau. L’épicentre épidémique semble à l’évidence être le Mexique. « En comparaison, les foyers paraissent naissants aux États-Unis, tandis que l’ensemble des cas suspectés hors continent américain sont en rapport avec un séjour en Amérique latine. Cependant, seule l’épidémiologie moléculaire permettra d’affirmer s’il existe une souche-mère ou différentes souches. » La prudence reste de mise du côté des autorités sanitaires. Le mauvais souvenir de l’épidémie grippe porcine en 1976 hante encore les mémoires. S’il ne s’agissait en réalité que d’une fausse alerte avec quelques cas au sein d’un contingent de l’armée américaine, le vaccin mis au point dans la précipitation avait entraîné une épidémie iatrogène de syndrome de Guillain-Barré.

Vitesse de propagation.

« Il reste beaucoup d’incertitudes au sujet de la contagiosité et de la virulence du virus. Aujourd’hui, on ne peut pas savoir si la vitesse de propagation est plus rapide que les autres virus grippaux. Les données épidémiologiques sont encore trop insuffisantes. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il s’agit d’une courbe exponentielle. Comme la propagation est très lente et invisible au début, il faut attendre les cas graves inattendus pour éveiller l’attention, ce qui s’est passé mi-mars au Mexique. »

Autre facteur déterminant, la sévérité de l’infection. «  Par analogie à la grippe classique, il n’existerait un syndrome grippal que dans la moitié des cas, ce qui signifie en d’autres termes que près de la moitié des sujets infectés seraient pauci voire asymptomatiques. L’infection se disséminerait à bas bruit au sein des populations. De plus, comme la maladie n’est pas à déclaration obligatoire et qu’il n’existe pas pour encore de réseau sentinelles, beaucoup de cas pourtant "parlants" passent au travers des mailles du filet », explique le Pr Flahault. Sans compter que l’organisation est difficile à mettre en place dans un pays comme le Mexique, où seuls sont déclarés les sujets venus consulter à l’hôpital.

La sévérité de l’infection est mal connue également. Il faudrait savoir à quoi sont dus les décès : syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) lié à la virulence propre du virus ou surinfections bactériennes aggravées par un système de soins défaillants ? Au cours des dernières pandémies, on a pu constater que les populations défavorisées sont plus vulnérables à l’infection. Comme l’accès aux antibiotiques et à la réanimation est difficile, le risque de complications mortelles est plus élevé. « À noter que la saison n’est pas favorable à la dissémination du virus et laisse espérer un freinage de l’épidémie en Europe. Il faut faire passer un message essentiel de prévention au personnel soignant : le port du masque et le lavage des mains protègent de la transmission », fait remarquer le Pr Flahault.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr