« Nous avons supprimé 900 000 vidéos de fake news médicales », Justine Ryst, directrice de YouTube France, veut mettre le paquet contre la désinformation

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Publié le 26/07/2021
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Crédit photo : DR

Chaque minute, 500 heures de contenus sont mises en ligne sur YouTube dans le monde. Quinze ans après sa création, la plateforme de vidéos, propriété de Google, est devenue l'un des médias de prédilection des 18-34 ans. 11,5 millions d'entre eux la visite chaque mois, pour une durée de visionnage moyen de 48 minutes par jour.

Alors que la pandémie a boosté de 25 % l'audience de YouTube, la plateforme entend désormais lutter contre les informations médicales trompeuses ou dangereuses. Ce lundi 26 juillet, YouTube lance une campagne de communication sur les vaccins Covid, en partenariat avec le gouvernement français, pour espérer toucher les 40 millions d'utilisateurs hexagonaux. Entretien avec Justine Ryst, directrice de YouTube France.

LE QUOTIDIEN : Quel est l'objectif de cette campagne autour des vaccins Covid ?

JUSTINE RYST : Cette nouvelle campagne, réalisée en collaboration avec le gouvernement français, a pour objectif d'accompagner le défi national de la vaccination. Ce sont des petites vidéos de 15 secondes, intitulées « Pour retrouver les choses que nous aimons ». Elles veulent montrer que plus vite nous sommes vaccinés, plus vite nous retrouverons une vie normale. En juin dernier, nous avions déjà diffusé pendant six semaines la campagne de spots « Vaccin contre le COVID-19 : restez informés » du ministère de la Santé. Nous allons un cran plus loin avec le gouvernement, qui s'engage sur YouTube car c'est un canal privilégié pour cibler le public jeune. Cette démarche est globale et internationale. Dans le monde, nous avons collaboré avec 85 instituts et autorités de santé pour promouvoir des informations scientifiquement fiables, dont le National Health Service (NHS) en Angleterre.

Depuis plusieurs années, YouTube entend supprimer de plus en plus de vidéos complotistes. Pourquoi ce changement de cap ?

C'est un chantier de fond que nous avons démarré en 2017, avec pour idée de réduire ou neutraliser les vidéos de désinformation, grâce à des techniques de repérage automatique des vidéos qui n'ont pas leur place sur YouTube. Avec la pandémie, cette politique s'est intensifiée. En 2020, nous avons fait plus de dix mises à jour de notre règlement, liés à la seule lutte contre les désinformations médicale, pour lutter contre la promotion de remèdes contre le Covid complètement faussaire, les sujets liés à la 5G et aux vaccins… C'est très compliqué car, pendant la pandémie, ce qui était un fait avéré le lundi ne l'était plus du tout le mercredi. La responsabilité de YouTube n'est pas de décider ce qui est vrai ou faux, mais de rester brancher aux recommandations de l'OMS et des autorités de santé. C'est pourquoi nous avons sans cesse fait évoluer nos règles d'usage et d'acceptation de ces vidéos.

Comment procédez-vous pour repérer et supprimer ces vidéos complotistes ?

Nous utilisons une intelligence artificielle basée sur l'apprentissage automatique – ou « machine learning ». Elle est capable, à elle seule, de neutraliser 99 % des vidéos qui n'ont pas lieu d'être sur notre plateforme. Par exemple, une vidéo qui dit que la terre est plate sera neutralisée d'office. Pour le 1 % restant, nous faisons appel à une équipe de modérateurs, présents sur chaque fuseau horaire et dans les langues de chaque pays, pour apprécier le reste des vidéos potentiellement problématiques. En plus de cela, nous pouvons aussi faire appel à une galaxie d'experts avec lesquels nous travaillons pour réaliser des arbitrages, sur des thématiques liées à la santé, à la protection de l'enfance ou encore au racisme.

Depuis le début de la pandémie, YouTube a supprimé 900 000 vidéos de fake news médicales, véhiculant des informations trompeuses ou dangereuses. 99 millions de publicités - avançant des allégations trompeuses ou des sujets complotistes autour du Covid - ont aussi été bloquées.

Comment faites-vous la différence entre une vidéo qui avance une simple opinion, un questionnement parfois légitime, et une vidéo carrément dangereuse ?

C'est effectivement un point clé : savoir ou s'arrête la liberté d'expression et où commence la censure. D'autant plus que l'ADN de YouTube est « Give everyone a voice » - permettre à chacun de s'exprimer. Certains contenus sont dans la zone grise : ils posent des questions, sans pour autant faire l'apologie de thèses complotistes, et dans ce cas, nous considérons qu'ils ont leur place sur YouTube, qu'ils contribuent à la liberté d'expression. Seulement, l'algorithme va limiter leur viralité. C'est-à-dire qu'il ne fera pas remonter ces vidéos dans les moteurs de recherche YouTube et Google par exemple.

Plus généralement, depuis le début de la pandémie, nous avons fait évoluer nos fonctionnalités pour que les sources d'information de référence soient celles qui ressortent en premier. Quand vous tapez « covid » dans la barre de recherche de YouTube, le premier lien que vous trouvez est un panneau qui renvoie vers le site du gouvernement. Ce bandeau a été vu 500 milliards de fois ! Puis si vous recherchez « danger vaccin » par exemple, les premières vidéos que vous trouverez seront celles de médias de référence, d'instituts de recherche ou de l'OMS.


Source : lequotidiendumedecin.fr