Avant l'Euro, les autorités multiplient les exercices de secours dans les « fans zones »

Attentat terroriste, l'état de siège simulé au cœur de la ville

Par
Publié le 25/04/2016
Article réservé aux abonnés
bordeaux

bordeaux
Crédit photo : PATRICE JAYAT

État de siège, en ce jour d'avril, aux alentours de la Place des Quinconces, à Bordeaux.

De 21 heures à une heure du matin, 500 policiers et sauveteurs, 150 bénévoles jouant (avec une vérité poignante) le rôle de victimes, des dizaines de véhicules et un hélicoptère ont été mobilisés pour un exercice de simulation d’attentat terroriste sur une « fan zone ». L’Euro de football qui approche (10 juin-10 juillet) fait planer de sérieuses menaces sur la sécurité, après les attaques terroristes de Paris et Bruxelles.

 

60 000 supporters regroupés

 

Parmi les secteurs les plus sensibles, ces fameuses « fan zones », espaces où des milliers de supporters se réunissent au cœur des villes pour regarder les matches sur écran géant. C’est donc pour tester en grandeur nature la coordination des professionnels de santé, forces de sécurité et secours qu’un exercice de simulation d’attentat a été organisé Place des Quinconces, lieu appelé à recevoir 60 000 supporters lors des cinq matchs qui se disputeront à Bordeaux.

Kamikaze, prise d’otages : Marisol Touraine, ministre de la Santé, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, ont supervisé eux-mêmes cette simulation d’attaque des files d’attente de la « fan zone ». « Avec les fouilles à l’entrée, le risque de personnes possédant des armes longues ou ceinture d’explosifs est quasi-nul à l’intérieur de la "fan zone", assure un représentant du Préfet. C’est pourquoi nous avons voulu tester une attaque se déroulant à l’extérieur. »

Le scénario : un kamikaze se fait sauter dans la foule, deux autres terroristes tirent sur les spectateurs. L’un est abattu par la BAC, l’autre prend en otage une dizaine de personnes dans un bâtiment de la place.

Pendant quatre heures et sous la pluie, l’opération a réuni toutes les étapes d’une véritable intervention : déminage pour éviter toute menace de sur-attentat dans l’environnement des victimes ; arrivée des secours en même temps que la police judiciaire débutant son enquête ; évacuation des blessés et prise en charge par les hôpitaux ; assaut du Raid contre le preneur d’otage ; enfin mise en place d’une cellule d’accueil des « impliqués », familles et proches des victimes (Croix-Rouge, cellule médico-psychologique du SAMU).

 

Moments d’émotion

 

Victimes hurlant leur douleur ou appelant à l’aide et familles effondrées cherchant un disparu étaient si bien « interprétées » par des bénévoles de la Croix-Rouge qu’une émotion véritable s’est emparée du cortège des officiels.

Au CHU de Bordeaux, le Dr Guillaume Valdenaire, chef de service des urgences, assurait la prise en charge*. « Mon travail consiste à rappeler tous les collègues urgentistes et coordonner l’accueil et l’orientation des patients. Pour cela, je m’appuie sur les informations délivrées par notre cellule de crise qui me donne les capacités en blocs, lits, médecins et celle du SAMU qui m’informe du nombre de victimes, de leur état… Cet exercice nous permet de mettre à jour nos procédures pour nous sentir prêts, en espérant que nous n’aurons jamais à les utiliser. Il nous aide à nous poser les bonnes questions en termes d’organisation pour que, le jour venu, nous n’ayons à nous préoccuper que des patients. »

Dans la perspective de l’Euro, « cet exercice vise à tester nos capacités à envoyer des moyens (SAMU, SMUR) sur les lieux et à mettre en place, en interne, le "plan blanc" qui permet de gérer l’afflux de blessés et leur répartition dans nos services et vers les hôpitaux publics ou privés de la région », précise Philippe Vigouroux, directeur général du CHU.

 

Coordination interrégionale

 

La simulation bordelaise tablait sur 150 victimes. Au-delà, les hôpitaux de Limoges, Poitiers, Nantes… pourraient entrer en jeu. « Nous avons d’ores et déjà mis en place des plans permettant de faire travailler ensemble différentes régions, a souligné Marisol Touraine. Le 13 novembre, nous avions déjà prépositionné des ambulances, des hélicoptères hospitaliers pour prendre en charge des victimes et les amener si cela avait été nécessaire dans différentes villes de notre territoire. »

À chaud, les équipes ont pointé des points à améliorer : mauvaise insonorisation du PC de commandement monté sur les lieux de l’attentat ; impossibilité de transmettre simultanément les images de l’hélicoptère à plusieurs relais terrestres…

Mais la coordination des services semble avoir donné satisfaction, de même que les capacités d’évacuation des blessés. Seule incertitude : pour des raisons évidentes d’organisation, l’exercice s’est déroulé sans les 60 000 spectateurs de la « fan zone » dont l’évacuation aurait été un élément supplémentaire de complexité.

* Sur fiches médicales essentiellement, seulement 6 blessés fictifs ont été réellement transportés au CHU

De notre correspondant à Bordeaux Patrice Jayat

Source : Le Quotidien du médecin: 9491