Au procès Mediator, la défense dénonce des « accusations injustes », verdict le 29 mars 2021

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Publié le 08/07/2020

Crédit photo : S.Toubon

Après 517 heures d'audience, le tribunal correctionnel de Paris a mis fin au procès hors normes du Mediator qui a démarré en septembre 2019. Présenté comme un antidiabétique mais largement prescrit comme coupe-faim, ce médicament a été utilisé par plus de cinq millions de personnes pendant les 33 ans de sa commercialisation, jusqu'à son retrait du marché en novembre 2009. Il est tenu pour responsable de graves lésions cardiaques et de nombreux décès.

Le jugement sera rendu le 29 mars 2021. Les juges auront neuf mois pour délibérer sur ce scandale sanitaire dans lequel plus de 6 500 personnes sont parties civiles. Ils vont « devoir mettre de côté l'émotion très forte ressentie. Car cette émotion ne doit pas être le guide de notre décision », a déclaré Sylvie Daunis, présidente du tribunal. « Seul le respect du droit et de la procédure peuvent être le fil conducteur de notre réflexion, même si cela peut être difficile à entendre pour les victimes », a ajouté la magistrate.

Alertes répétées

Sur le banc des accusés, les laboratoires Servier sont soupçonnés d'avoir sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes et les dangereux effets secondaires du Mediator. Avec neuf sociétés du groupe, la maison mère comparaît notamment pour « tromperie aggravée », « escroquerie » et « homicides et blessures involontaires ». L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) est renvoyée pour avoir tardé à suspendre le Mediator, malgré des alertes répétées sur sa dangerosité.

Durant plusieurs semaines de débats assez techniques et des témoignages forts de médecins lanceurs d'alerte (les Drs Irène Frachon et Georges Chiche) et de patients, les parties civiles ont déclaré attendre un « jugement exemplaire » et réclamé au total « un milliard » d'euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis – dont plus de 450 millions pour les seules caisses d'assurance-maladie, qui ont pris en charge le remboursement du Mediator et qui s'estiment victimes d'escroquerie. 

De son côté, le parquet a réclamé plus de 8 millions d'euros après des réquisitions au vitriol. La procureur a dénoncé les « manipulations, dissimulations, manœuvres » de la société pour « dissimuler » les propriétés anorexigènes du Mediator et maintenir « coûte que coûte » ce produit, remboursé par l'assurance-maladie. Ce montant est porté à 10,228 millions d'euros avec les amendes contraventionnelles requises pour des blessures involontaires sans ITT.

Le parquet a également réclamé cinq ans d'emprisonnement, dont trois ferme, et 200 000 euros d'amende contre l'ex-numéro 2 du groupe Jean-Philippe Seta, et 200 000 euros d'amende contre l'Agence du médicament. À l'audience, l'organisme représenté par Dominique Martin, DG avait assumé une « part de responsabilité » dans le « drame humain » du Mediator.

Mauvaise appréciation du risque

Pour leur défense, Me Hervé Temime, l'un des avocats des laboratoires Servier, s'est élevé contre des « accusations injustes » et la « diabolisation » du groupe pharmaceutique et de son dirigeant Jacques Servier, décédé en 2014. Pour l'avocat, le patron de Servier était «profondément convaincu des bienfaits du Mediator. Il y croyait », a-t-il plaidé. « La vraie question, la seule qui se pose, c'est comment cela a-t-il été possible ? Ce serait tellement déculpabilisant, rassurant pour nous tous qu'un seul homme, un laboratoire puisse être responsable de tout », a lancé Me Temime.

Sans être « irréprochables », les laboratoires Servier sont « conscients qu'ils ont été mauvais sur l'appréciation du risque, en se reposant sur l'autorité sanitaire », a ajouté Me François de Castro, l'autre avocat de la société. Pour terminer, la défense a appelé le tribunal à prendre « la bonne décision ». 

L.T. (avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr