Aux États-Unis, la moitié des mastectomies bilatérales prophylactiques sont réalisées pour une mutation non pathogène

Par
Publié le 13/04/2017
Mastectomie

Mastectomie
Crédit photo : Phanie

Une étude parue dans le « Journal of Clinical Oncology », menée aux États-Unis sur des femmes diagnostiquées avec un cancer du sein, a montré que la moitié de celles qui subissaient une mastectomie bilatérale prophylactique (MBP) après un test génétique n’étaient en fait pas porteuse d’une mutation pathogène.

Des résultats qui s’expliquent par le manque de conseil génétique et le manque de connaissance des chirurgiens quant aux résultats des tests génétiques, avancent les auteurs. En tout, 666 patientes ayant participé à l’étude, en 2014 et 2015, ont bénéficié d’un test génétique. Seulement la moitié ont discuté leurs résultats avec un conseiller génétique.

Les patientes porteuses d’une mutation causale BRCA 1 ou 2 sont environ 80 % à avoir subi une MBP. Mais les patientes porteuses d’un variant de signification inconnue (VSI) (c’est-à-dire une mutation dont on ne sait pas si elle est délétère ou non) subissaient une MBP pour près de la moitié d’entre elles. C’était aussi le cas d’environ 30 % de celles qui n’étaient pas porteuses de mutation du tout. Côté chirurgiens, entre 24 et 50 % d’entre eux, selon qu’ils opéraient un volume élevé ou non de patientes chaque année, traitaient de la même façon les patientes porteuses d’un VSI que celles porteuses d’une mutation pathogène.

Mutation rare n’est pas synonyme de gravité

Le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, professeur de génétique médicale à l’université Paris Descartes, et chef du service de génétique à l’Institut Curie, est revenue sur cette étude pour « le Quotidien ». Elle souligne tout d’abord la grande diversité des mutations. « Le consortium ExAC (exome aggregation consortium, ndlr) a montré, en analysant les exomes, pour l’ensemble de nos 22 000 gènes, de 60 000 personnes non apparentées entre elles, que sur 7 millions de variants différents, 54 % n’étaient retrouvés que chez un seul individu », indique-t-elle. L’existence d’un variant génétique ne signifie pas pour autant conséquence délétère. « Une base de données française a ainsi retrouvé que pour environ 800 altérations causales inactivatrices du gène BRCA1, il existait 1 024 VSI, ajoute-t-elle. Pour BRCA2, ce sont 839 altérations causales pour 1 738 VSI, plus du double ! »

En France, des consultations génétiques systématiques

« La situation rapportée par cette étude correspond à un problème majeur aux États-Unis, et qui ne m’étonne pas vraiment, avance le Pr Stoppa-Lyonnet. Il y existe des centres de grande qualité, avec des moyens, mais aussi de petites structures sans généticien. Et là, quand l’oncologue ou le chirurgien, non formé à la lecture de ces résultats, voit qu’il y a une mutation rare, il l’associe à un risque. » En France, l’interprétation des données est homogène. Les variants sont classés sur une échelle de 1 à 5 : les mutations pathogènes (appelés aussi causales, ou délétères), et les probablement pathogènes (que l’on traite comme les précédentes) ; puis les VSI ; puis les presque neutres et les neutres. Le risque doit aussi être pondéré par les antécédents familiaux. « Les laboratoires de génétique réalisent des comptes-rendus clairs, et les patientes sont vues dans le cadre d’une consultation génétique par un généticien ou un conseiller en génétique. On leur explique alors le résultat, et pour les VSI en particulier, qu’il n’y a pas d’élément pour retenir cette mutation comme causale », précise le Pr Stoppa-Lyonnet.


Source : lequotidiendumedecin.fr