La chronique de Richard Liscia

Avant le second tour : ombres et lumières d'une transition

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Publié le 27/04/2017
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Ombres et lumières d'une transition

Ombres et lumières d'une transition
Crédit photo : AFP

On peut penser ce qu'on veut d'Emmanuel Macron, il nous a quand même rendu service en battant Marine Le Pen et en empêchant Jean-Luc Mélenchon d'être présent au second tour. Le soulagement national, européen et international, la vive hausse des marchés et de l'euro témoignent de l'exploit réalisé par l'ancien ministre de l'Économie. Aujourd'hui, la France a une bonne chance de se réformer, donc de se redresser et d'échapper à ces programmes de gouvernement brandis par Mme Le Pen et M. Mélenchon, qui proposent deux méthodes pour parvenir très vite à la faillite du pays. De ce point de vue, le succès de M. Macron est incontestablement celui de la démocratie française.

Le tableau général dressé par les résultats du scrutin n'est pas pour autant encourageant. Deux candidats, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont fait des scores élevés et représentent à eux seuls 40 % de l'électorat alors que leur intention est de durcir l'autorité gouvernementale, ce qui constitue déjà une menace pour les libertés, et qu'ils s'opposent, chacun à sa manière, à l'Europe, à l'euro, au désendettement, au retour à l'équilibre de nos fondamentaux. Or ils ne sont pas seuls. Les électeurs de Nicolas Dupont-Aignan, qui a presque obtenu 5 % des suffrages, risquent fort de voter FN au second tour. Les autres petits candidats pourraient ajouter leurs maigres scores à ceux de Mme Le Pen ou de M. Mélenchon. Seul Benoît Hamon garde une spécificité en principe insoluble dans un parti extrémiste, et encore rien n'est sûr. 

Le problème principal de cet entre deux-tours, c'est la crise violente qu'il inflige aux Républicains et aux socialistes. LR et le PS doivent s'adapter à une situation inédite au moment où les querelles personnelles deviennent aiguës, où le leadership doit être réattribué, où le pays est impatient d'obtenir une action réformatrice en profondeur. La droite n'a pas caché ses intentions : elle soutiendra Macron pour le second tour mais elle se réserve le droit, et, en somme, c'est bien naturel, de faire une campagne pour les législatives avec l'espoir de créer à l'Assemblée un groupe puissant, peut-être majoritaire. Cela signifie qu'elle n'entend nullement laisser carte blanche à M. Macron, même si François Fillon, tirant la leçon de son échec, a renoncé à diriger la campagne de la droite pour les législatives. Il reste que LR entend forcer le prochain président à nommer un gouvernement de cohabitation dont le Premier ministre et les ministres seraient issus de la droite et du centre.

Prendre garde aux équlibres instables

Ce n'est pas exactement la thérapie dont la France a besoin car les réformes fondées sur des compromis ne sont jamais radicales, et se situent à mi-chemin des mesures drastiques indispensables au changement. Bien avant la fin du mandat du nouveau président, le pays sera plongé dans une nouvelle crise de confiance s'il ne parvient pas rapidement à réduire le chômage. On ne sait pas du tout quelle sorte d'Assemblée sera issue des élections législatives. Des partis qui ont recueilli 20 % ou plus des suffrages peuvent obtenir une forte représentation. L'Assemblée serait alors divisée en quatre groupes de calibre comparable, ce qui rendrait le pays ingouvernable et le président impuissant. Même si Mme Le Pen était battue au second tour par un rapport 60/40, et malgré les effets du scrutin majoritaire à deux tours, elle peut envoyer à l'Assemblée plusieurs dizaines de députés FN. Et M. Mélenchon en ferait tout autant. 

Un président forcé à cohabiter, en butte à de fortes minorités susceptibles de s'allier pour bloquer ses réformes, ne pourrait pas apporter à la société française le souffle réformiste que la crise exige. L'intérêt bien compris du peuple est de lui accorder une majorité. Mais ce n'est pas l'intérêt de chacun des partis en lice. On peut donc dire que, si nous devons à M. Macron une fière chandelle,  le retour à la stabilité politique n'est pas du tout garanti. Il fallait bien, cette année, passer par des convulsions politiques dès lors que l'électorat exprimait une énorme insatisfaction. Le malaise général n'est pas pour autant propice à l'efficacité. 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9576