La chronique de Richard Liscia

Ceux qui veulent changer de République : le coup d'Etat électoral

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Publié le 18/04/2017
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Le coup d'Etat électoral

Le coup d'Etat électoral
Crédit photo : AFP

Lequel ? La popularité dont bénéficie Jean-Luc Mélenchon fait de lui un vainqueur possible, celui qu'on n'attendait pas mais que l'atmosphère délétère d'une campagne qui a dressé les Français les uns contre les autres rend plausible. Comme Marine Le Pen, ou les candidats dits « petits » qui prétendent s'inspirer du gaullisme pour mieux démanteler la constitution gaulliste de la Vè République, M. Mélenchon, s'il est élu, entend convoquer une assemblée constituante et passer à la VIè République, quitte à mettre en jeu son propre mandat. On peut être certain que la plupart de ses électeurs le savent à peine et, en tout cas, n'imaginent pas les conséquences de cette démarche.

De son côté, Marine Le Pen maintient un programme axé sur la rupture avec l'Europe et l'euro, ce que, de toute évidence, ses électeurs ne lui reprochent guère. On peut se demander ce qui justifie, dans l'esprit du public, des politiques aussi draconiennes. Le Pen, Mélenchon, Dupont-Aignan, Ausselineau, Cheminade, Poutou et Arthaud se sont employés à décrire une crise française d'une telle ampleur qu'elle nécessiterait une révolution. C'est en effet par la révolution, ou par une sorte de coup d'Etat électoral, que divers candidats souhaitent changer la France. Comme ils n'ont pas cessé d'attiser la colère des Français, exaspérés par deux mandats successifs qui n'ont pas réduit le chômage, ils comptent bien en récolter les raisins. 

Comment faire de la France un paria en Europe

Les pays étrangers qui observent la campagne en France constatent qu'au danger représenté par Le Pen s'ajoute celui du programme de Mélenchon, vaste rêverie où une dépense de 275 milliards le dispute à une hausse du Smic jusqu'à 1 700 euros, capable de ruiner à peu près toutes les PME. En outre, si le candidat de la France insoumise ne préconise pas spécifiquement la sortie de l'euro, ses propositions tendent toutes à un clash entre la France et l'Union européenne. Les marchés l'ont compris qui ont additionné la crédibilité nouvelle de Mélenchon à ses idées destructrices, mélange détonant. Ils baissent. Les Allemands sont doublement inquiets face à une surenchère qui fait monter contre l'extrême droite non pas un parti de gouvernement mais l'extrême gauche dans toute sa candeur originelle, marxisme et totalitarisme compris.

Ces politiques d'extrême droite ou d'extrême gauche feraient de la France un paria en Europe. Jusqu'à il y a encore un mois, nos partenaires européens étaient sereins. Ils croyaient que, contre le Front national, surgirait un parti de gouvernement. Le fait que le second tour puisse opposer Mélenchon à Le Pen éloigne donc l'espoir d'une France apaisée, orientée vers la réforme. Car, si les descriptions de la crise par les extrêmes sont exagérées, elles s'appuient bel et bien sur un malaise national, fait de chômage, d'hostilité à l'égard des gouvernants, de lassitude face à la durée du marasme. Le seul moyen de rendre au pays son énergie, ce n'est pas une révolution qui l'achèverait, c'est la réforme. Deux candidats en défendent le principe : François Fillon et Emmanuel Macron. Dans l'inquiétude des Européens et de nombreux citoyens français, il y a l'absence d'une dynamique Fillon jusqu'à présent, c'est-à-dire à quatre jours du premier tour, et l'effritement apparent du leader d'En Marche !

Cette présidentielle n'est décidément pas enthousiasmante alors qu'on pouvait espérer la naissance d'un pouvoir à la fois fort et cohérent. Tout électeur doit participer à l'effort national pour éviter une aventure extraordinairement périlleuse. Quel que soit le ressentiment inspiré par la politique et les politiciens, il faut que chacun comprenne que son sort dépend de la réforme, pas du désordre. 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9573